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> Anomalie développement dentaire, les reconnaitre et les traiter

Isabelle DRUET
Alliance
Bordeaux France

L'odontogénèse, processus complexe de développement dentaire, est essentiel pour comprendre les anomalies qui peuvent survenir chez les chiens et les chats. Ces anomalies, englobant des variations en nombre, forme, structure et couleur, nécessitent une reconnaissance précoce et un traitement adapté pour préserver la santé bucco-dentaire à long terme des animaux.

Anomalies de nombre dentaire

Les anomalies incluent les dents surnuméraires (hyperdontie) ou leur absence (hypodontie). Les conséquences varient de l'inconfort à des problèmes d'occlusion. Certaines races de chien sont prédisposées aux anomalies de nombre dentaire, les brachycéphales (bouledogue ou boxer) présentent fréquemment des incisives surnuméraires. Les chiens de race toy tels que le chihuahua ou les races nues par exemple présentent souvent des agénésies dentaires (dents non formées). Le diagnostic se fait à l’examen de la cavité orale idéalement en denture adulte et doit être complété par des radiographies dentaires. Les anomalies de nombre dentaire sont considérées comme héréditaires, il est recommandé d’exclure ces chiens de la reproduction pour les races dont le standard demande une denture complète. En l’absence d’encombrement dentaire, l’extraction des dents surnuméraires n’est pas nécessaire. Des radiographies dentaires dès l’âge de 3 à 4 mois peuvent permettent un décompte des bourgeons dentaires afin d’identifier les chiots présentant ce type d’anomalie.

L’absence clinique d’une dent peut également être un défaut d’éruption dentaire soit d’origine traumatique ou infectieuse soit idiopatique. La dent est qualifiée d’incluse. Ce type de défaut d’éruption peut par exemple favoriser des troubles respiratoires supérieurs lorsqu’une dent obstrue les cavités nasales. Chez les brachycéphales est très fréquent d’observer des prémolaires 1 mandibulaires incluses, les complications observées sont la formation de kystes appelés dentigères autour de la couronne incluse. Ces kystes peuvent évoluer en lysant les structures osseuses adjacentes. Le traitement des kystes dentigères implique généralement une intervention chirurgicale pour extraire la dent incluse et le kyste associé.

Fusions et géminations

D’autres anomalies sont rencontrées comme les fusion et gémination dentaires. La fusion est l’union de deux bourgeons dentaires, on observe alors une dent au lieu de deux. La gémination est la division d’un bourgeon dentaire en deux, on observe deux dents au lieu d’une. Un traitement chirurgical n’est pas toujours nécessaire.

Défaut de l'émail

Plusieurs défauts liés à la formation de l’émail sont décrits tel que l’invagination de l’émail appelé dens in dente et l’hypoplasie amélaire. L’étiologie est mal comprise pour les invagination dentaire, l’hypoplasie amélaire est secondaire soit un traumatisme local soit une maladie systémique débilitante durant l’amélogénèse telle la maladie de Carré chez un jeune chien. Ces défauts de protection dentaire peuvent se manifester par des douleurs dentaires, des infections endodontiques ou du tri alimentaire. Le traitement dépendra de l’atteinte de la lésion : restauration dentaire de surface à extraction dentaire.

Prise en charge

La détection précoce repose sur un examen clinique minutieux, le comptage des dents lors des premières visites vaccinales et des radiographies dentaires. Le traitement varie selon l'anomalie. Les dents surnuméraires et mal positionnées peuvent nécessiter des extractions dentaires. La compréhension des anomalies de développement dentaire, leur détection précoce et leur traitement approprié sont cruciaux pour garantir la santé bucco-dentaire optimale des chiens et des chats.

Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Gestion des fentes palatines congénitales

Philippe HENNET
Chv Advetia
Velizy-Villacoublay France

I- Introduction

La lèvre maxillaire et le palais (primaire et secondaire) sont formés par la fusion des bourgeons faciaux. Chez les carnivores, le palais primaire est constitué par la fusion des bourgeons nasal médial avec les bourgeons maxillaires alors que la lèvre est constituée par la fusion sur la ligne médiane entre les bourgeons maxillaires. Le palais secondaire, en arrière des fissures palatines qui délimitent les choanes primaires, se forme par la fusion sur la ligne médiane des processus palatins de l’os maxillaire qui constituent ces deux lames osseuses formant le palais dur. La fusion du palais secondaire débute entre le 25ème et le 28ème jour postpartum.

Le défaut de fusion de ces bourgeons est responsable de la formation à la naissance d’une fente du palais primaire (fente labiale ou nasolabiale) et/ou du palais secondaire (fente palatine). Ces anomalies ont fréquemment une origine génétique chez le chien et le chat de race même si d’autres causes nutritionnelles, infectieuses ou environnementales peuvent intervenir. Les chiots de races brachycéphales sont plus souvent affectés (Roman, 2019). Une étude récente des malformations congénitales chez 778 chiots provenant de 168 portées a montré que 52 chiots (6,77%) présentaient une malformation et que 87,5% d’entre eux appartenaient à des races brachycéphales. La malformation la plus fréquente étant les fentes palatines congénitales (1,3%). Si globalement les chiots de race brachycéphales avaient un risque de malformation 3 fois supérieur à celui de races non-brachycéphales, les races brachycéphales hypertypés (Bulldog anglais, Bouledogue français) avaient un risque 5 fois supérieur par rapport aux races brachycéphales dites ancestrales telle que le Boxer (Vilela Estevan et al., 2022). La prévalence moyenne selon les études est entre 1 et 3% même si des prévalences supérieures ont pu être rapportées dans certaines lignées (Moura et al. 2017).

Globalement, les fentes palatines seules sont les plus fréquentes toutes races confondues et représentent 60 à 75% des cas. Cependant des différences existent différents types raciaux. Les brachycéphales semblent plus souvent présenter des fentes labiales ou des fentes labio-palatines que des fentes palatines seules ; le bulldog anglais présentant plus fréquemment une fente labiale et palatine, alors que le bouledogue français présente plus fréquemment une fente palatine (Vilela Estevan et al., 2022).

II- Évaluation lésionnelle

1. Fente nasolabiale (palais primaire)

Les fentes nasolabiales sont plus facilement reconnues dès la naissance car visibles extérieurement. Elles peuvent être uni ou bilatérales. Ces fentes affectent également l’os incisif (formant le palais primaire) et l’arcade dentaire incisive. Des malpositions dentaires sont fréquentes et doivent être correctement évaluées, d’autant plus qu’il est fréquent de trouver des incisives surnuméraires dans les races brachycéphales. La fente du palais primaire doit être évaluée dans son intégralité (largeur et longueur), la lésion osseuse et toujours plus conséquente que la fente visible au niveau des tissus mous. Ces lésions se compose d’une fente alvéolaire entre la seconde et la troisième incisive qui se prolonge caudalement et obliquement sur la partie ventrale de l’os incisif en direction de la fissure palatine.

2. Fente palatine (palais secondaire)

Les fentes palatines intéressent le palais dur et le palais mou ou le palais mou seul. Elles peuvent parfois être associées à une fente nasolabiale. Elles peuvent être plus ou moins large, avoir des formes variables et atteindre parfois plus de la moitié de la largeur du maxillaire La largeur de la fente au niveau osseux est toujours supérieure à celle visible cliniquement au niveau de la muqueuse (Peralta et al. 2017).

Une évaluation tridimensionnelle au travers d’un examen tomodensitométrique (scanner)

est plus que fortement recommandée pour évaluer précisément l’étendue des lésions osseuses et l’existence éventuelle d’autres anomalies craniofaciales. Des radiographies dentaires intraorales permettent une bonne évaluation des anomalies et malposition dentaires. 

III- Planification chirurgicale

La complication majeure des communications oronasales est le risque de passage de salive, d’aliment ou de corps étranger dans les voies respiratoires supérieures ou profondes avec l’apparition d’une rhinite suppurée et/ou d’une bronchopneumonie par aspiration. Des clichés radiographiques thoracique sont recommandés. En cas de signe d’infection respiratoire profonde, un traitement médical sera mis en place et l’intervention retardée. Une rhinoscopie et un rinçage nasal sont effectués avant l’intervention pour éliminer tout débris alimentaire ou corps étranger des cavités nasales avant d’effectuer la fermeture chirurgicale.

En ce qui concerne l’âge idéal de l’intervention, la plupart des auteurs s’accordent sur le fait d’attendre au moins l’âge de 4 mois afin de bénéficier de tissus buccaux plus épais et plus large et de limiter les effets potentiels de l’intervention chirurgicale sur la croissance maxillo-faciale. Parfois, l’apparition de complications respiratoires à répétition peut obliger à intervenir plus tôt, une fois l’état général de l’animal stabilisé.

La gestion du chiot ou chaton depuis la naissance et en attendant l’intervention chirurgicale peut parfois être complexe pour les propriétaires. Jusqu’au sevrage, la capacité à téter est perturbée par l’absence de dépression buccale (succion) du fait de la fente et le risque de pneumonie par aspiration est important. Il est fortement conseillé d’alimenter au départ les animaux avec une tétine longue permettant de délivrer le lait au niveau de l’oropharynx ou par sondage oro-gastrique avec une petite sonde souple. A partir du sevrage, une alimentation solide est introduite. Il faut éviter les aliments mou, collant, pâteux qui pénètrent plus facilement dans la cavité nasale pour administrer un aliment solide (morceaux ou croquettes ramollies) directement dans l’oropharynx avec le doigt. Des techniques de prothèse palatines temporaires fabriquées sur mesure ont été décrites afin de permettre à l’animal une prise spontanée de nourriture en attendant l’intervention chirurgicale (Martinez-Sanz et al. 2011)

IV- Chirurgie réparatrice

Le principe de la chirurgie du palais est de recréer une paroi étanche permettant d’isoler la cavité buccale des cavités nasales en prévenant ainsi les complications d’infection de l’appareil respiratoire. La fermeture chirurgicale concerne uniquement les tissus mous et non pas l’os. La perte de substance osseuse étant toujours plus grande que la fente apparente au niveau des tissus mous, une évaluation précise doit être effectuée au préalable. Il existe différentes techniques chirurgicales utilisables mais toutes reposent sur les mêmes règles de chirurgie à lambeaux pour les communications oronasales : utiliser des lambeaux de grande taille à vascularisation axiale (incorporant l’artère palatine majeure +/- mineure) déplacés et suturés sans tension, effectuer lorsque cela est possible une fermeture en deux plans et éviter, si possible, de placer la ligne de suture au-dessus de la perte de substance. Des interventions ne respectant pas ces règles (lambeaux trop petits, vascularisation non respectée ou tension par défaut de mobilisation du lambeau) sont vouées à l’échec. Les principales techniques chirurgicales utilisables sont la technique modifiée de van Langenbeck (lambeaux axiaux bipédiculés à translation médiane), lee déplacement en rotation d’un ou deux lambeaux axiaux unipédiculés, le déplacement en retournement (« upside-down ») d’un lambeau axial dont la charnière se situe le long de la fente. Ces lambeaux peuvent être combinés. Quelque soit la technique utilisée un risque de déhiscence partielle du lambeau avec formation d’une fistule oronasale est toujours possible et une ou plusieurs reprises chirurgicales peuvent être nécessaires. Les fistules oronasales se forment principalement au niveau de la zone rostrale de la fente du palais dur et à la jonction entre le palais dur et le palais mou (Peralta et al., 2018).

Les chiens opérés après l’âge de 8 mois, ceux dont le poids était inférieur à 1 kg et ceux qui ont déjà fait l’objet d’une tentative de fermeture chirurgicale présentent plus de risques de formation de fistule oronasale résiduelle (Peralta et al., 2018).

En postopératoire, un traitement antidouleur est prescrit. Lorsqu’un traitement antibiotique est prescrit, il est toujours de courte durée (<7j) sauf lorsqu’une infection respiratoire était pré-existante.  Pour la chirurgie des fentes nasolabiale, le port d’une collerette est conseillée. La réalimentation se fait au départ avec un aliment mou ou ramolli et toute autre activité buccale est interdite.  Une sonde de nutrition oesophagienne peut être mise en place lors de l’intervention chirurgicale en fonction de l’importance de la lésion, du type de technique chirurgicale et de la préférence du chirurgien.

Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Principales malocclusions dentaires et leurs prises en charge

Philippe HENNET
Chv Advetia
Velizy-Villacoublay France

I- Introduction

Les malocclusions dentaires peuvent avoir une origine dentaire (malposition dentaire), squelettique (anomalie de taille/position des mâchoires) ou mixte. Les conséquences sont les interférences occlusales (butée des dents entre-elles) empêchant une fermeture buccale normale, les lésions occlusales traumatiques (lésions des parois muqueuses ou de l’os des mâchoires), l’encombrement dentaire favorisant le développement de la maladie parodontale et les modifications esthétiques.

Parmi les différentes malocclusions, celles affectant les canines sont celles ayant le plus de répercutions fonctionnelles et dont la prise en charge est absolument nécessaire. Le traitement étiologique des malpositions dentaires est le traitement orthodontique. Chez les carnivores, il peut être utilisé pour repositionner une ou plusieurs dents dans leur position normale lors de malocclusion dentaire. Le traitement orthodontique ne peut traiter une malocclusion d’origine squelettique en repositionnant la dent dans une position normale ; il permet au mieux de repositionner la dent dans une position anormale mais plus favorable sur le plan fonctionnel.

II- Principales malocclusions ayant un impact fonctionnel

1. Linguoclusion des Canines mandibulaires

L’occlusion normale des canines chez un animal mésocéphale ou dolichocéphale se caractérise par une interdigitation dentaire avec les canines mandibulaires se plaçant entre les canines maxillaires et les coins maxillaires (incisives les plus latérales) et dirigées vers l’extérieur et en appui le long du maxillaire.  

Dans le cas de linguoclusion des canines mandibulaires (« canines convergentes »), les canines mandibulaires sont placées trop médialement (lingualement) par rapport à l’occlusion normale et, de ce fait, viennent en contact avec le maxillaire. Elle provoquent des lésions du palais qui peuvent être responsable d’un déchaussement des dents maxillaires et.ou de la formation d’une fistule oronasale.  La cause peut être uniquement une malocclusion dentaire (linguoversion des canines mandibulaires) ou la conséquence d’une anomalie squelettique (mandibule trop étroite ou mandibule trop courte par rapport au maxillaire)

2. Mésioversion des canines maxillaires / vestibuloversion des canines mandibulaires

L’inclinaison trop mésiale (vers l’avant de l’arcade dentaire) des canines maxillaires ferme l’espace interdentaire canine-coin maxillaire et empêche de ce fait l’occlusion normale de la canine mandibulaire. Celle-ci peut alors prendre une position plus linguale (linguoclusion) ou au contraire plus inclinée vers l’extérieur (versibuloversion) et venir blesser la lèvre maxillaire. Le traitement orthodontique de la malposition de la canine mandibulaire nécessite dans ce cas le traitement orthodontique préalable de la canine maxillaire.

Tout traitement orthodontique requiert :

  • une analyse préalable de la malocclusion et de l’état des dents permettant d’établir un plan de traitement orthodontique ;
  • la prise d’empreinte dentaire pour réalisation de l’appareil orthodontique par le laboratoire en fonction des indications fournies.
  • l’essayage et la pose de l’appareil;
  • l’activation de l’appareil jusqu’à obtention de la correction orthodontique;
  • une phase de contention plus ou moins courte;
  • la dépose de l’appareil et le contrôle de l’état des dents utilisées.

III- Traitement orthodontique de la linguoclusion des canines mandibulaires

Différentes options existent en fonction de l’âge de l’animal et de l’analyse occlusale.

  • Orthodontie préventive ou interceptive chez le jeune chien, en particulier avant la fin de l’éruption dentaire.
  • un traitement fonctionnel basé sur le jeu et la mastication régulière d’une balle en caoutchouc ronde appuyant sur la face interne des canines permet d’induire une vestibuloversion des dents.
  • La formation d’un plan incliné chirurgical réalisé en effectuant une gingivectomie entre la canine maxillaire et la troisième incisive. Alternativement, une ostéoplastie maxillaire peut être effectuée. La réduction en largeur du maxillaire ainsi obtenue permet un meilleur positionnement des canines mandibulaires ; la pression exercée par le maxillaire sur la face interne des canines permet de les vestibuler.
  • La réalisation d’une coronoplastie d’extension des couronnes réalisée avec une résine composite dentaire. L’extension en longueur de la couronne dentaire permet d’obtenir une position plus divergente des dents qui peuvent ainsi venir en appui le long du maxillaire ; la pression exercée par le maxillaire sur la face interne des canines permet de les vestibuler..
  • Orthodontie avec un appareil fonctionnel (plan incliné) : un appareil orthodontique maxillaire constitué de bagues avec armature métallique et d’une infrastructure en résine est fixée sur les canines maxillaires par scellement des bagues. La résine est taillée entre la canine et le coin maxillaire pour former un plan incliné. Lorsque l’animal ferme la bouche, les canines mandibulaires viennent glisser le long de ces plans inclinés et la pression des muscles masticateurs est responsable de la force orthodontique exercée sur les dents.
  • Orthodontie avec un appareil actif : un appareil métallique constitué d’un système ressort pour être placé entre les canines mandibulaires pour exercer sur elles une force douce les écartant vers l’extérieur progressivement (vestibuloversion). Le dispositif doit être activé régulièrement pour garder une force faible et la plus constante possible.

IV- Autres thérapies

Lorsqu’une correction orthodontique ne peut être réalisée ou n’est pas souhaitée, l’extraction de la dent responsable de la malocclusion ou la réduction de la hauteur de la couronne dentaire  (amputation de la couronne avec biopulpectomie partielle)  peuvent être des alternatives satisfaisantes.

Pas de conflit d'intérêt déclaré.