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> Diagnostic du shunt porto-systémique à l'image

Yannick RUEL
Chv Advetia
Vélizy-Villacoublay France

I- Introduction

La présence d'un shunt porto-systémique est habituellement suspectée par l'observation de signes cliniques chez un animal en croissance (parfois plus âgé si les signes sont passés inaperçus ou ont été mal interprétés) : troubles nerveux centraux, souvent exacerbés par les repas, maigreur, retard de croissance, hématurie, troubles digestifs chroniques. Le dosage du NH3 sanguin et la mesure des acides biliaires pré- et post-prandiaux vient étayer une telle hypothèse. Si les signes cliniques n'ont pas conduit à cette hypothèse, l'observation d’un élargissement des sillons et d’une hyperintensité en T1 des noyaux lentiformes [MOU1] observés à l'IRM peuvent conduire à une suspicion indirecte de shunt.

L’imagerie présente comme intérêt de pouvoir confirmer l’hypothèse de shunt, d’en préciser la morphologie et la topographie afin d’en évaluer le pronostic et l’approche thérapeutique la plus adaptée.

II- Techniques d'imagerie disponibles et intérêts comparés

Différentes techniques d'imagerie peuvent être utilisées pour ce diagnostic, chacune présentant des avantages et des inconvénients.

1. Radiologie

Historiquement, la radiologie permettait, par une technique d'angiographie du système porte, d'obtenir un diagnostic de certitude d'un shunt avec des renseignements anatomiques convenables. Cette technique était invasive et nécessitait un cathétérisme de la veine porte au cours d’une laparotomie avant d’obtenir les clichés d’angiographie porte. La technique s’est allégée avec des injections intra-spléniques, éventuellement sous contrôle échographique, qui offraient cependant une opacification moins efficace et moins complète de la veine porte, et manquait tout shunt situé caudalement à l’abouchement de la veine splénique.

2. Échographie

L’échographie est devenue une technique de plus en plus efficace et précise grâce à une amélioration de la résolution des images et à l’usage de plus en plus répandu du doppler couleur. L’échographie permet de reconnaître les signes directs (visualisation du shunt) ou indirects (foie de petite taille, néphromégalie, calculs urinaires de struvite ou d’urate d’ammonium). Si les deux abouchements du shunt sont observés, l’échographie donne des renseignements suffisants pour le chirurgien. Cependant c’est une technique opérateur-dépendante, avec une observation parfois difficile sur des animaux de petite taille, souvent agités, présentant parfois une quantité gênante de gaz digestif. L’utilisation d’une sédation ou d’une anesthésie générale simplifie l’examen et améliore sa sensibilité et sa spécificité, tout en réduisant son caractère « non invasif ». L’échographie est spécifique si le shunt est observé. C’est en revanche un examen qui ne permet pas d’exclure à 100% une hypothèse de shunt.

3. Scintigraphie

À la même époque, la scintigraphie a pu être utilisée pour confirmer l’hypothèse d’un shunt. Technique peu invasive, ne nécessitant pas d’anesthésie, elle confirme une circulation porte anormale tout en ne fournissant des informations anatomiques que grossières, souvent insuffisantes pour le chirurgien. Elle ne permet pas, en général, de distinguer une communication unique d’un shunt multiple (acquis). Elle impose par ailleurs des installations spécifiques peu disponibles et est soumise à une réglementation particulière.

4. Scanner et IRM

Aujourd’hui, le scanner et l’IRM sont des examens très performants, qui permettent un diagnostic de certitude tant pour confirmer que pour exclure un shunt. Ils offrent en outre des renseignements morphologiques précis utiles pour prévoir l’abord et la technique d’occlusion chirurgicale. Ils ne fournissement pas en revanche les renseignements hémodynamiques offerts par l’échographie doppler. Ces techniques peuvent donc être complémentaires en cas de présentation atypique.

III- Anatomie normale du système porte

Le tronc porte se forme par la confluence des veines mésentériques caudale et crâniale [1], de la veine gastro-duodénale, et de la veine gastro-splénique. Il se ramifie au sein du foie en une branche droite qui irrigue les lobes latéral et le processus caudé du lobe caudé. La branche gauche irrigue le lobe médial droit, le lobe carré, les lobes médial et latéral gauches et le processus papillaire du lobe caudé.

Les rameaux portes intra-hépatiques présentent un diamètre proche de celui des veines hépatiques correspondantes. Le tronc porte présente un diamètre légèrement inférieur à celui de l’aorte et de la veine cave caudale. Le diamètre du tronc porte à son entrée dans le foie est inférieur à la normale en cas de shunt extra-hépatique. Des études ont montré qu’un rapport Tronc Pulmonaire/Aorte>0,7 permettait d’exclure un shunt extra-hépatique.

IV- Différents types de shunts

Les shunts sont catégorisés selon plusieurs critères morphologiques ou pathophysiologiques. On distingue tout d’abord les shunts congénitaux, habituellement uniques, des shunts acquis, généralement multiples, secondaires à une hypertension portale. Nous ne considérerons ici que les shunts congénitaux, de loin les plus fréquents chez l’animal jeune.

Parmi ceux-ci, on distingue les shunts intra-hépatiques, rencontrés typiquement dans les grandes races canines (notamment les Bouviers bernois et les Retrievers), des shunts extra-hépatiques plus habituels dans les petites races de chiens (Bichons, Terriers) et chez les chats.

  • Les shunts intra-hépatiques empruntent la branche D ou G de la veine porte intra-hépatique. Ils sont tous porto-caves en se branchant directement sur celle-ci ou par l’intermédiaire d’une veine hépatique. Ils sont habituellement de gros diamètre et la branche contro-latérale de la veine porte est de diamètre souvent très réduit.
  • Les shunts extra-hépatiques peuvent être porto-caves ou porto-azygos. Ils peuvent suivre différents trajets dont la morphologie va influer sur l’abord chirurgical.

La classification des shunts est l’objet de multiples publications, certaines très récentes, cherchant à identifier les voies empruntées par le flux anormal pour contourner le foie. Les différentes classifications sont au-delà du sujet de cette présentation, leur intérêt dans le choix de la prise en charge et dans l’évaluation du pronostic restant encore à démontrer. La majorité des shunts extra-hépatiques suivent le trajet de la veine splénique ou celui de la veine gastrique droite pour rejoindre la veine cave caudale ou la veine azygos.

Les fistules artério-veineuses : malformation congénitale rare, ces fistules consistent en une communication entre un rameau de l’artère hépatique et une branche porte. Une telle anomalie conduit à une hypertension portale conduisant habituellement à l’ouverture de shunts porto-systémiques multiples acquis, une congestion digestive, du méléna, de la diarrhée et de l’ascite.

V- Informations à obtenir de l'imagerie 

Les examens d’imagerie utilisés doivent, dans la mesure du possible, apporter certaines informations essentielles à l’établissement d’un pronostic et au choix des actions thérapeutiques les plus adaptées, qu’elles soient médicales ou chirurgicales.

  • Confirmation du shunt : les signes directs et indirects permettent de renforcer ou confirmer l’hypothèse de shunt. Dans la mesure du possible, on doit arriver à une certitude quant à l’existence ou non d’un shunt. Plusieurs techniques sont parfois nécessaires. En l’absence de shunt visible, l’exclusion d’une anomalie macroscopique conduit à envisager une dysplasie microvasculaire hépato-portale (biopsies chirurgicales pour confirmer).
  • Anatomie du shunt : la nature extra- ou intra-hépatique du shunt, son diamètre, son trajet, permettent, lorsque c’est la technique privilégiée, de programmer l’acte chirurgical au mieux.
  • Anatomie du système porte intra-hépatique : la visualisation, ou non, de rameaux portes intra-hépatiques, et l’évaluation de leur taille permet d’anticiper, souvent grossièrement, la capacité du foie et du système porte à accueillir le sang qui va être redirigé de la circulation systémique vers la circulation porte après occlusion du shunt. Cela permet d’envisager une occlusion partielle, éventuellement en plusieurs étapes, ou une occlusion progressive par améroïde ou bande de cellophane. Un développement insuffisant (hypoplasie) ou une absence de rameaux portes intra-hépatiques (agénésie) est alors une contre-indication à une chirurgie d’occlusion du shunt.
  • De même, les éventuels signes d'hypertension portale (baisse de la vélocité, épanchement péritonéal, congestion digestive et aspect « froncé » des anses) doivent être repérés. Une inversion du sens du flux dans le tronc porte peut parfois s’observer. Les informations de flux seront apportées par l’examen Doppler pulsé et/ou couleur. Des signes d’hypertension portale doivent amener à beaucoup de prudence avant d’envisager un traitement chirurgical du shunt.

VI- Application de l'imagerie

1. Échographie

On utilise habituellement une sonde micro-convexe de haute fréquence, surtout pour les individus de petite taille. Le recours à une sédation permet d’examiner un animal calme et de pouvoir appliquer une pression suffisante sur sa paroi abdominale afin d’atteindre un foie souvent de petite taille et donc logé sous l’hypochondre. Cela permet aussi de chasser le gaz digestif. On repérera parfois les signes potentiellement associés au shunt (petit foie, calculs urinaires, néphromégalie).

L’examen doit permettre de suivre la totalité du système porte crânialement à la jonction des deux veines mésentériques jusqu’au diaphragme, à la recherche d’une branche anormale, ou se connectant anormalement à la veine cave ou à l’azygos. On évaluera particulièrement la région du foramen épiploïque, site fréquent des shunts extra-hépatiques. De même, on suivra le trajet de la veine cave caudale crânialement à l’abouchement des veines rénales, en recherchant notamment une dilatation anormale et un flux turbulent pouvant indiquer le site d’abouchement du shunt.

2. Doppler

Le doppler couleur et pulsé permettront d’évaluer la vitesse du flux et de vérifier l’existence d’un flux hépatopète dans le tronc porte à son entrée dans le foie. Le doppler aide aussi à l’identification des vaisseaux chez des animaux de petite taille et parfois peu coopératifs.

3. Scanner

On réalisera un angioscanner en 3 phases, incluant et examen pré-contraste et, dans la mesure du possible, une acquisition aux temps artériel, portal et veineux. Un examen plus tardif peut parfois être utile et compléter l’étude. La totalité du système porte est ainsi marquée par le produit de contraste et on peut, en en suivant les ramifications, repérer le vaisseau anormal et ses abouchements. L’angioscanner représente sans doute la technique la plus régulièrement fiable pour obtenir une confirmation ou une exclusion du shunt et des informations en 3D sur sa morphologie.

4. IRM

L’IRM présente le même intérêt de désuperposition que le scanner. Des techniques sans produit de contraste permettant de mettre en évidence le flux sanguin (angiographie par temps de vol et angiographie par contraste de phase), mais on peut aussi marquer les vaisseaux par l'administration IV de produit de contraste à base de gadolinium. On se trouve alors dans des conditions similaires à l'angioscanner. Globalement, l’angio-IRM présente peu d’avantages sur l’angioscanner au regard de son coût et de la moindre disponibilité du matériel.

Bibliographie

  1. Szatmàri V., Rothuizen J., Ultrasonographic identification and characterization of congenital portosystemic shunts and portal hypertensive disorders in dogs and cats. WSAVA, Standards for clinical and histological diagnosis of canine and feline liver diseases, 2021, Chapter 3.
Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Diagnostic et stabilisation médicale préopératoire des shunts portosystémiques congénitaux

Juan HERNANDEZ
Oniris
Nantes France

I- Quand suspecter un shunt porto-systémique ?

1. Contexte épidémiologique

Un shunt porto-systémique congénital est un vaisseau unique d’assez gros calibre qui établit une connexion entre le système porte et la circulation veineuse systémique. On les classe selon leur localisation intra-hépatique ou extra-hépatique.

  • Les shunts intra-hépatiques sont plus fréquents chez les chiens de grande race comme les Golden Retrievers et les Bouviers Bernois. Ils proviennent de la branche droite ou de la branche gauche de la veine porte et s’abouchent dans la veine cave caudale intra-hépatique. 
  • Les shunts extra-hépatiques sont plus fréquents chez les chats et les petites races de chiens comme les Yorkshire, les Bichons Maltais et les Cairn Terrier. Ils proviennent de la veine splénique, de la veine gastrique droite ou du carrefour formé par ces veines avec la veine porte. Ils s’abouchent dans la veine cave caudale ou dans la veine azygos.

Le caractère héréditaire de l’anomalie a été démontré dans les races Irish Wolfhound et Cairn Terrier. Chez le chat, les shunts porto-systémiques congénitaux sont plus rares que chez le chien. Une prédisposition des Persans et des Européens est reconnue. Il est rapporté une association entre la couleur « or » de l’iris et la présence d’un shunt porto-systémique congénital.

2. Signes cliniques

Précisons d’emblée que les signes cliniques associés à une communication porto-systémique ne sont pas spécifiques d’anomalies vasculaires hépatiques et sont communs à toutes les insuffisances hépatiques. Toutefois, les signes nerveux et urinaires constituent une dominante clinique alors que l’ictère n’est jamais présent lors d’insuffisance hépatique d’origine vasculaire.

Les signes cliniques associés à la présence d’un shunt porto-systémique congénital sont la plupart du temps détectés avant l’âge de 1 an. Néanmoins, il convient de ne pas l’écarter sur un animal âgé car certaines descriptions font état de diagnostic chez des animaux âgés de 9 ans. 

Un retard de croissance est fréquemment associé à la présence d’un shunt porto-systémique congénital. Des troubles digestifs (diarrhée, vomissements) sont plus rarement présents. Un syndrome fébrile est décrit par certains auteurs comme pouvant être le signe clinique unique ou dominant lors de shunt porto-systémique congénital. Un réveil d’anesthésie particulièrement long peut constituer un signe d’appel d’une anomalie vasculaire congénitale hépatique.

Les signes nerveux d'encéphalopathie sont secondaires à la présence de toxines en provenance de l’intestin non filtrées ou non détoxifiées par le foie. Le syndrome d’encéphalopathie hépatique est caractérisé par des signes nerveux centraux diffus comme des troubles du comportement, une altération de l’état de conscience (somnolence, …), une démarche compulsive, une amaurose transitoire, de l'hypersalivation et parfois des manifestations épileptiformes convulsives. Le ptyalisme est un signe très fréquent chez le chat. Ces signes s’expriment de manière cyclique.

Des cristaux ou calculs à base de biurate d’ammonium sont fréquents lors de shunts porto-systémiques. La dysurie, la strangurie et l’hématurie peuvent constituer les seuls signes d’appel chez un chien ou un chat présentant un shunt porto-cave congénital.

Une polyuro-polydipsie est parfois rapportée et est d’origine multifactorielle (hypourémie et réduction du gradient cortico-médullaire rénal, potomanie, …).

3. Anomalies sanguines et urinaires

Une microcytose avec ou sans anémie est parfois observée lors de shunt porto-systémique congénital et peut constituer un élément d’orientation diagnostique. Une anomalie de transport du fer est suspectée.

L’examen biochimique sanguin est le seul qui peut détecter une anomalie fonctionnelle du foie. Précisons à ce sujet que la mise en évidence d’une anomalie du foie grâce à l’examen biochimique permet d’établir le diagnostic fonctionnel d’insuffisance hépatique. A ce stade, les hypothèses lésionnelles envisagées sont certes les anomalies vasculaires mais également les maladies inflammatoires, la cirrhose, les maladies de surcharge, les tumeurs, … La cause de l’insuffisance hépatique (en l’occurrence une anomalie vasculaire) doit être identifiée grâce aux examens d’imagerie.

Une augmentation de l’activité sérique des enzymes hépatiques (ALAT, ASAT, PAL, GGT) est parfois observée lors de communication porto-systémique. Cette augmentation est souvent modérée (2 à 4 fois la limite supérieure) et le fait de l’hypoperfusion hépatique lorsque la fraction shuntée est importante. De plus, l’isoenzyme osseuse des PAL est parfois augmentée chez les animaux jeunes.

La mesure de la glycémie, de l’albuminémie et de l’urémie présente un double intérêt. Dans la phase diagnostique, la découverte d’une hypoglycémie associée à une hypo-urémie et/ou une hypoalbuminémie est une observation facile à réaliser avec un analyseur confortant l’hypothèse clinique d’insuffisance hépatique. Lorsque le diagnostic d’anomalie vasculaire établi par les examens d’imagerie, ces paramètres sont suivis après la mise en place d’un traitement médical. La correction de l’hypoglycémie et de l’hypoalbuminémie est une priorité du traitement médical avant d’envisager la correction chirurgicale de l’anomalie vasculaire en cause.

L’ammoniémie à jeun est un test très sensible de détection de l’insuffisance hépatique associée aux communications porto-systémiques. D’après certaines études la sensibilité du dosage approche les 100%.  En d’autres termes, une ammoniémie à jeun dans l’intervalle des valeurs usuelles permet d’écarter la présence d’un shunt avec une marge d’erreur faible. De plus, la spécificité du dosage est assez bonne (89%) car seules les shunts porto-systémiques (congénitaux ou acquis) et les anomalies du cycle de l’urée sont susceptibles d’entraîner une hyperammoniémie. Le dosage doit être effectué dans les 30 minutes qui suivent le prélèvement. Il ne peut donc être proposé que si un analyseur est disponible sur place.

Le dosage des acides biliaires sériques à jeun et 2 heures après un repas présente une sensibilité de 89 % pour le diagnostic des communications porto-systémiques (congénitales ou acquises). La sensibilité est encore meilleure chez le chat. En revanche, il est important de garder en tête qu’une élévation des acides biliaires signe une insuffisance hépatique dont l’origine doit être déterminée par les examens d’imagerie. Le repas test doit contenir un minimum de protéines et de graisses pour stimuler la sécrétion de cholécystokinine et induire la vidange de la vésicule biliaire. Empiriquement, un aliment pour insuffisant hépatique semble convenir (2 cuillères à café pour les chiens <5kg et 2 cuillères à soupe pour les chiens >5kg).

L’examen du culot urinaire vise à mettre en évidence des cristaux de biurate d’ammonium. Ils sont présents dans 40 à 70 % des cas de shunt porto-systémique congénital chez le chien et 15% chez le chat.

II- Prise en charge préopératoire

Quelle que soit la taille ou la localisation du shunt porto-systémique diagnostiqué, un recours trop précoce à l’intervention chirurgicale peut s’avérer risqué chez un chien présentant des signes d’insuffisance hépatique (hypoalbuminémie, hypoglycémie, encéphalopathie hépatique). Une stabilisation médicale est essentielle avant d’envisager toute intervention chirurgicale.

Les objectifs du traitement médical sont multiples et visent à réduire le risque d’encéphalopathie hépatique :

  • Réduire la quantité et sélectionner la source des protéines ingérées afin de limiter la formation d’ammoniac dans l’intestin : de préférence aliments pour insuffisant hépatique ou à base de protéines d’origine végétale. A ce titre, les aliments à visée hypoallergéniques utilisent souvent le soja comme source de protéines et conviennent donc particulièrement bien aux animaux présentant un shunt porto-systémique. A ce stade, l’intervention d’une vétérinaire nutritionniste est nécessaire surtout lorsque le chiot est jeune et de grande race afin de répondre aux besoins nutritionnels liés à la croissance.
  • Eviter les situations qui précipitent les signes d’encéphalopathie hépatique (saignements digestifs, constipation, infection, etc). La présence d’une gastropathie chronique (possiblement d’origine dystrophique) est fréquence chez les chiens présentant un shunt porto-systémique. L’utilisation d’un inhibiteur de la pompe à protons (oméprazole, 1 mg/kg BID) est encouragée si des signes cliniques, hématologiques ou échographiques sont présents.
  • Eviter certains médicaments (diurétiques, barbituriques, benzodiazépines, anti-inflammatoires non stéroïdiens).

Le lactulose permet de réduire le temps de transit intestinal et d’acidifier le contenu digestif. Les toxines digestives sont ainsi moins absorbées par l’organisme. Si besoin, un antibiotique comme le métronidazole permet de réduire la population de bactéries qui produisent des toxines. Ce dernier traitement est aujourd’hui utilisé uniquement si les premiers volets de la prise en charge ne suffisent pas pour contrôler les signes d’encéphalopathie à cause des effets d’appauvrissement du microbiote intestinal dont les conséquences ne sont pas mesurées à ce jour.

Lors d’encéphalopathie hépatique, un traitement médical plus intensif doit être instauré. Les chiens bénéficient alors d’une hospitalisation avec mise sous perfusion (NaCl 0,9%) et antibiotique (métronidazole). L’ajout d’un laxatif comme le lactulose permet de diminuer le temps de transit intestinal et ainsi réduire l’absorption des toxines. Ce dernier peut être administré par voie anale à l’aide d’une sonde avancée le plus loin possible dans le côlon afin d’acidifier le contenu.

Un contrôle clinique et sanguin est réalisé après un mois de traitement (alimentation spécifique et lactulose +/- métronidazole) à la maison. L’intervention chirurgicale n’est programmée que lorsque l’animal ne présente plus de signes d’encéphalopathie, que sa note d’état corporel est satisfaisante et que ses résultats sanguins sont corrects (Alb>20/L et euglycémie stable).

Certains animaux présentent des crises convulsives qui sont redevables d’un traitement anti-épileptique. Compte tenu de l’altération du métabolisme hépatique, le traitement privilégié est le lévétiracétam (20 mg/kg TID). Par ailleurs, l’état d’encéphalopathie chronique peut dans certains cas camoufler des foyers épileptogènes. Occasionnellement, l’inhibition de ces foyers peut être levée après l’anesthésie générale et donner lieu à un status epilpeticus particulièrement réfractaire. La mise en place d’un traitement antiépileptique en période préopératoire ne semble pas réduire ce risque d’après certaines études.

Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Encéphalose hépatique

Laurent CAUZINILLE
Frégis
Paris France

I- Origines et signes cliniques

On nomme « communications porto-systémiques » (CPS), d’origine congénitale ou acquise, des vaisseaux anormaux reliant la veine porte ou une de ses formatrices (splénique, mésentérique crâniale ou caudale ou gastroduodénale) à la veine cave caudale. Les anomalies acquises se développent en réponse à une hypertension portale pré ou intra-hépatique chronique. Bien que moins rapportées, ces dernières atteignent jusqu’à 20% des CPS chez le chien plutôt âgé. Les CPS congénitales sont diagnostiquées avant l’âge d’un an mais la présence d’ascite chez un jeune est plus en faveur d’une forme acquise. Il est important de différentier les deux parce que le traitement et le pronostic n’est pas le même.

Les CPS conduisent à une augmentation en concentration de dérivés gastrointestinaux dans la circulation systémique qui entrainent une grande variété de signes cliniques dont des signes nerveux regroupés sous le terme d’encéphalose hépatique (EH): prostration, déambulation, cécité centrale, manifestations épileptiformes simples, autonomiques ou complexes. L'EH, de part sa physiopathogénie cause un dysfonctionnement cérébral intermittent, variant en intensité d’un jour à l’autre ou dans la même journée. Les signes ne sont généralement pas latéralisés, parfois plus prononcés en postprandial, parfois précipités après un repas riche en protéines, une infection, certains traitements, des troubles ioniques ou un état de déshydratation

II- Diagnostic différentiel

Les autres causes d’encéphalopathie (toxique, inflammatoire, métabolique non hépatiques) doivent être écartées avant de porter un diagnostic d’EH.

Certains changements biologiques sont en faveur d'une EH :

  • sang : basse concentration en urée, hypo-cholesterolemie, hypoalbuminémie, microcytose et hypochromie érythrocytaire
  • urine : faible densité, présence de cristaux de biurate d’ammonium, une culture bactérienne positive.

L’ammoniémie est peu sensible et peu spécifique, et le test de tolérance reste dangereux sur un animal en insuffisance hépatique. Le dosage des acides biliaires à jeun et postprandiaux est plus utilisé car facile à réaliser et analyser. Sa spécificité reste faible (faux positifs).

L’échographie, première étape de diagnostic par imagerie, non invasive, a une bonne sensibilité et spécificité ainsi qu’une bonne précision anatomique. Le Doppler, le color-flow et l’expérience de l’imageur augmentent son pouvoir diagnostic.

La portographie mésentérique artérielle est une procédure diagnostique rapide, simple et mini-invasive qui non seulement apporte un diagnostic définitif mais aussi des informations concernant l’anatomie (porto-cave versus porto-azygos, congénital ou acquis, multiples), le flux sanguin de la veine porte et une évaluation subjective de la pression portale.

L’angio-IRM est une technique rapide, non invasive pour visualiser en tridimentionnel la vasculature abdominale et portale mais l’interprétation est difficile. L'IRM cérébrale peut documenter un état oedèmateux et montrer des changements hémiphériques permettant d’exclure d’autres cause des signes cliniques cérébraux.

III- Traitement

La prise en charge de l’encéphalose hépatique est à la fois médicale (minimisation de la charge en dérivés gastrointestinaux toxiques) et si possible chirurgicale (redirection du sang vers le parenchyme hépatique par atténuation de l’anomalie vasculaire).

Le traitement médical associe les disaccharides non absorbables (lactulose 1-3 mL/10 kg PO q6–8h) et les antibiotiques (néomycine 20 mg/kg PO q12h ou métronidazole 7.5 mg/kg PO q8–12h). En cas de manifestations épileptiformes, le lévétiracetam est l’antiépileptique de choix (20 mg/kg IV q8h) et le mannitol (0,5 à 1 g/kg IV lente) est utilisé si des signes d’augmentation de la pression intracrânienne sont présents.

D'un point de vue diététique, il faut apporter autant de protéines que possible sans aggraver l’EH (2.1 g/kg/jour chez le chien, 4 chez le chat) sous forme de préparation commerciale ou ménagère (protéine de soja à préférer), des probiotiques et une supplémentation en zinc.

Bien que le traitement médical apporte une rémission clinique acceptable en première intention, le pronostic à long terme pour les CPS congénitaux est cependant moins bon que quand une correction chirurgicale est possible puisqu’elle conduit à un résolution définitive des signes sans nécessité de poursuivre le traitement médical. Le désavantage de la chirurgie reste le risque de mort péri-opératoire rapporté, de 2% à 27% !

L’atténuation chirurgicale d’une communication porto-systémique est le traitement de choix. A cause du risque de développement d'une sévère hypertension portale, une technique d’occlusion graduelle apporte une période d’adaptation au système porte évitant l’augmentation du flux sanguin préhépatique. Des techniques interventionnelles vasculaires mini-invasives ont pour but de diminuer la morbidité péri-opératoire et la mortalité. Ces techniques sont aussi des options pour les animaux en trop mauvais état général pour subir une intervention chirurgicale.

Pas de conflit d'intérêt déclaré.