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> La bienveillance comme indicateur de performance

Lucie HENAULT
Vétérinaire

I- Introduction

Et si être bienveillants nous rendait tous plus performants ? Si, à compétence égale, les équipes qui prennent soin les uns des autres pour de vrai, étaient plus susceptibles de devenir hyper performantes ? Apprenons ce qu’est la bienveillance au travail, comment devenir bienveillant avec ses équipes et le rester, comment motiver ses équipes à la performance tout en étant dévoués les uns aux autres et comment mesurer la satisfaction au travail sur la base des 7 piliers de la bienveillance.  

La bienveillance est la capacité à se montrer indulgent, gentil et attentionné envers autrui de manière désintéressée.   Je fais ce pari : « Les équipes bienveillantes, au sein desquelles les membres prennent soin les uns des autres, sont plus performantes ». Parmi les nombreuses raisons qui me portent à l’affirmer, il y a :  si les gens de l’équipe se sentent bien dans leur équipe et dans leur environnement de travail, il y a beaucoup plus de chances qu’ils restent. Quand on connaît le taux de décrochage au sein de la profession il y a de quoi être préoccupés. Il faut repenser la vie en établissement. Aussi, une équipe heureuse et épanouie sera plus susceptible d’attirer des pairs et de diminuer ainsi la charge ressentie, vu la pénurie de personnel. Ensuite, en travaillant dans un milieu protégé, dans lequel chaque individu se sent le droit à l’erreur, le développement et l’atteinte du plein potentiel de chacun sont favorisés. Se donner le droit à l’erreur, ne veut pas dire qu’il faille toujours refaire les mêmes erreurs, cela implique plutôt de savoir que la faute ne sera pas mise sur un coupable, mais sera plutôt vue comme une partie d’un processus d’amélioration continue. J’aime répéter que : « seul, on va plus vite. Mais ensemble, on va plus loin ! » 

Cependant, il ne serait pas plus malin de devenir complaisant et de tenter de plaire à tout le monde. Ce serait alors se perdre. La bienveillance permet de fixer des objectifs en donnant à chacun envie de les atteindre : la bienveillance donne des moyens adaptés. 

Pour instaurer un climat de bienveillance au sein d’une équipe, le plus efficace est de d’abord travailler sur soi, ce qui implique beaucoup de courage. Il est cependant surprenant de voir combien on peut faire progresser un climat quand on s’engage à utiliser les 7 principes de la bienveillance, adaptés à la vie en établissement. Il faut par ailleurs se fixer des buts réalistes, déployer des ressources et motiver les gens autour de l’utilisation de ces 7 principes. Aussi, il faut comprendre les 2 sens de la bienveillance : envers soi et envers les autres. Si vous êtes toujours mécontent de vous, vous aurez de la difficulté à être bienveillants avec les autres.  Je vous pose d’emblée la question :  êtes-vous, selon vous, une personne bienveillante ? 

II- Les 7 principes de la bienveillance en établissement vétérinaire 

1. Le dialogue 

Comment se passe le dialogue au sein de votre équipe ?  Quand il y a un problème, y a-t-il des clans qui se forment, pour ou contre ?  Des gens parlent-ils en mal des autres ? Vous-même, le faites-vous ? Le fameux bavardage négatif est malheureusement très fréquent et complètement contraire aux principes de la bienveillance. Le fait de parler en mal des autres découle d’un besoin d’acceptation. Parler contre quelqu’un permet de tisser des liens avec la personne avec qui on bavarde. On se défoule.  Ça fait du bien… sur le coup. Voulez-vous réellement créer des liens en rabaissant une autre personne ? Reconnaître qu’on pratique le bavardage négatif ou qu’on y participe, sans l’initier, est la première étape. Cela est courageux.  Il est difficile de prendre le risque de s’exclure d’un groupe en ne participant pas au ragot. Le moyen le plus simple est de centrer l’énergie autour d’un projet rassembleur. 

Pour réussir un dialogue, cela prend de l’écoute active. Il faut écouter pour comprendre l’autre, pas pour défendre son point de vue. Une écoute bienveillante ne veut pas dire donner raison à l’autre, elle se résume plutôt à tenter réellement de le comprendre pour trouver des solutions à travers lesquelles les intérêts communs seront respectés. L’écoute bienveillante permet de respecter les objectifs tout en adaptant les moyens.

2. Le sens  

Donner du sens aux actions du quotidien permet de donner envie de bien faire les choses. Le fait de ne pas comprendre le sens d’une action et donc, de ne pas y accorder d’importance, est souvent vue comme de la désobéissance alors qu’il s’agit plutôt d’incompréhension. Le sens est donné via des explications, de la formation.  Le sens exige du temps et des moyens. De quelles façons les nouveaux collègues sont-ils intégrés ? Le personnel de soutien reçoit-il les mêmes explications que les clients en salle de consultation ?  Constatez par vous-même le soin qu’une personne accordera aux tubes sanguins si vous dites: « Hey!  Ne remue pas le sang comme cela avec tout le mal qu’on a eu à prendre cette prise de sang » versus « le sang est un liquide fragile. Quand il est remué vigoureusement, certaines cellules se brisent et cela peut fausser les résultats. »  

Pour donner du sens, il faut multiplier les moyens de communiquer efficacement : formations aux nouveaux, réunion d’équipe, groupe Facebook où il fait bon communiquer, les moyens sont multiples et des ressources doivent y être allouées. Le sens est bienveillant. Il permet aux gens de comprendre pourquoi ils font les choses, il développe la créativité et permet d’améliorer les processus.  Les robots ne savent pas pourquoi ils font les choses, les humains oui.  

3. Le soutien  

Soutenir ne veut pas dire faire à la place de l’autre. Soutenir permet de donner des moyens ou d’être conscient qu’un.e collègue fait face à une tâche plus lourde qu’à l’habitude. Soutenir permet d’intervenir avant que la difficulté soit trop grande. Le soutien est bienveillant à condition qu’il ne nuise pas à celui qui l’offre. Penser que notre vie personnelle n’impacte pas la vie professionnelle, et vice-versa, est un leurre. Le soutien agit comme une bouteille d’oxygène en situation difficile. Il donne la possibilité de poursuivre, il rime avec adaptation. Soutenir ne signifie pas régler les problèmes de l’autre. C’est plutôt lui donner la possibilité de les régler en adaptant ce qui peut l’être… temporairement ou à plus long terme,  sans nuire à l’équité au sein du groupe.  

Un grand piège au soutien est la fameuse relation « bourreau/victime/sauveur ».  Un exemple pour le comprendre serait une collègue qui se confie à une autre sur un problème impliquant le superviseur. La victime (celle qui se confie) se dirait incapable d’aller voir le superviseur (qui devient alors le bourreau sans même le savoir).  Le sauveur, dont l’ego est valorisé dans son rôle de superhéros, pourrait prendre la responsabilité d’aller voir le bourreau et de parler au nom de la victime.  Il aurait alors juste une partie des éléments en main et n’initierait pas un dialogue efficace.  Ce qui est contraire à un soutien bienveillant dans cet exemple, c’est que la victime est enfermée dans son rôle et n’a pas la chance d’évoluer ou même d’avoir accès à toutes les informations. Ce triangle sert davantage l’ego du sauveur que le bien de la victime, et ne donne pas les moyens au bourreau de s’amender ou d’expliquer ses décisions.   

Un autre piège au soutien est « tourner dans son intra ». L’intra étant nos pensées.  Donc, en parlant constamment des mêmes choses et en partageant de mêmes points de vue avec des gens, on renforce notre façon de penser. 

La bienveillance exige toujours d’être flexible envers les individus et rigide envers le problème. Les individus sont indispensables à la solution.  Cependant, cette fois-ci encore, il ne faut pas devenir débonnaire. Les valeurs de l’entreprise ne peuvent pas être partagées par tous. Il est donc nécessaire de vous entourer de gens qui vous complètent, qui partagent vos valeurs et sont prêts à travailler pour atteindre les objectifs que vous avez fixés avec vos équipes.  

4. Le lâcher-prise 

Tout vouloir contrôler découle souvent de l’anxiété, de la peur de l’échec, d’une mauvaise expérience face aux résultats.  Cela met une pression indue sur la personne qui s’impose le stress de tout vouloir contrôler et sur les gens qui subissent ce contrôle, les privant de liberté.  Le contrôle en tout n’est pas bienveillant. Il est possible de contrôler les objectifs (je veux savoir exactement ce que préfère manger ce patient hospitalisé) sans contrôler la manière de faire (tu offriras du a/d à 10h, du dentaire à 11h, etc.). Pour être un humain bienveillant, on ne peut pas vivre toujours en plein stress. Il faut accorder des moments de détentes à notre cerveau et à notre corps. Respecter des temps de repos pour les autres est aussi pertinent. Spécifier par exemple : « je ne m’attends pas à ce que tu travailles là-dessus ce week-end ». Le lâcher-prise se compare aux poumons professionnels : il faut s’entraîner à respirer adéquatement (vive le yoga !) et il faut s’entraîner à lâcher-prise. Le lâcher-prise est bienveillant et il exige du courage.

5. La remise en question 

Ah !  Comme c’est difficile de lâcher-prise !  Il est plus aisé de trouver et souligner les torts de l’autre, que d’admettre ses propres fautes sans tenter de les justifier. Cela découle du fait qu’on juge les autres sur leurs comportements et qu’on se juge sur nos intentions.  Mais voilà que les autres ne connaissent pas nos intentions et qu’ils nous jugent sur nos comportements… C’est ainsi que quelqu’un vous reprochera d’avoir été expéditif et que vous répondrez : « mais je ne voulais pas être expéditif, je voulais faire vite ! » Faire vite était votre intention et le résultat s’est reflété dans un comportement expéditif et perçu comme irrespectueux. L’intention est alors bienveillante (faire vite pour servir un client sans le faire attendre par exemple) et le comportement est aride (brusquer les gens pour les forcer à aller plus vite). On en revient donc à donner du sens à nos actions (voir valeur 1). Savoir reconnaître nos torts nous rend humains et accessibles.  Pour y arriver, il faut accepter d’être vulnérable. Pour se montrer vulnérable, il faut faire preuve de courage. Se montrer ainsi donne aussi l’exemple aux autres, que l’erreur est humaine. C’est un moteur incroyable pour s’améliorer.    

6. Le courage 

La bienveillance est courageuse.  Pour admettre ses erreurs, baisser sa garde, exprimer ses doutes sans se victimiser, exposer ses failles et demander de l’aide… surtout quand on a l’habitude d’être performant et de s’organiser tout seul.  Mais le courage est rassembleur et motivant. C’est un grand moteur pour s’entourer et je suis d’avis qu’on est toujours plus fort en équipe que seul.  Une équipe, c’est la somme des forces de chacun, sans être nécessairement être la somme de ses faiblesses. Le courage donne de l’assurance et permet de se dévoiler en toute authenticité.  Il permet aux gens de s’attacher à nous, de nous connaître pour vrai.

7. La reconnaissance 

La reconnaissance est un des besoins fondamentaux affectifs de l’être humain.  Elle est le carburant de la motivation.  Un des pièges à la reconnaissance est de vouloir remplir son ego à travers le compliment qu’on fait à l’autre : « ça marche n’est-ce pas, la technique que je t’ai enseignée ? Grâce à cela, tu t’es beaucoup amélioré. » Cette façon de faire valorise davantage celui qui fait le compliment que celui qui le reçoit. Un vrai compliment est spécifique et désintéressé. 

La reconnaissance donne envie de reproduire les bons coups. Permet l’erreur et la rétroaction. Il est plus facile de rencontrer quelqu’un pour discuter d’un problème quand on le rencontre aussi et plus souvent encore à d’autres moments pour lui parler d’un problème. 

Pas de conflit d'intérêt déclaré.