3 conférences (seules sont affichées les conférences pour lesquelles un texte a été fourni).

> La cage, solution miracle pour calmer le chiot ou maltraitance ?

Sylvia MASSON
Clinique De La Tivollière
Voreppe France

I- Introduction

En dehors des contextes de travail, comme les chenils conçus pour les refuges, pensions et pour certains chiens de travail, la cage est devenue un outil de plus en plus populaire pour les particuliers détenteurs de chiens de compagnie. Elles est régulièrement conseillée par les éleveurs, dans certaines races plus que d’autres (American Staffordshire Terrier, Malinois, Staffordshire bull terrier…).

Les indications sont également très variées et peuvent aller de l’apprentissage de la propreté, au transport en voiture, à la nuit ou durant les absences pour éviter les destructions, pour limiter les vocalises ou encore comme outil d’éducation dans certaines circonstances comme empêcher le chien de venir à table pendant le repas…

II- La cage améliore-t-elle l’éducation et le comportement des chiens ou est-elle un outil de maltraitance ?

La réponse est comme toujours nuancée : la cage peut en effet devenir un réel véhicule de maltraitance, mais elle a également des indications, qui permettent de la prescrire comme solution potentielle à une demande des propriétaires.

Il existe encore peu de publications s’intéressant à ce sujet, mais toutes les études dans le domaine sont très récentes, ce qui montre à quel point c’est un sujet d’actualité.

Un questionnaire réalisé auprès de propriétaires de chiens utilisant la cage, pour définir le type d’utilisation qu'ils font de la cage et leur niveau de satisfaction (Bleuer-Elsner et al., 2022) a mis en avant l’intérêt de l’utilisation de la cage lorsque cela est fait sur des temps courts, pour des indications ponctuelles et précises dans un souci d’aide à l’éducation normale du chien. Dans cette indication, les propriétaires sont d’ailleurs satisfaits de l’utilisation qu’ils en ont fait et la recommanderaient volontiers.
En revanche, dès qu’il s’agit d’une utilisation destinée à répondre à une affection comportementale qui génère des nuisances telles que destructions, malpropreté, vocalises, elle n’est pas efficace sur le long terme et ne permet pas de résoudre l’affection, puisqu’elle ne s’intéresse pas à la cause du problème.

III- La cage comme outil d’apprentissage ou comme lieu de couchage

Dans ces indications, l’apprentissage de la cage se fait avant son utilisation en rendant la cage attractive et en montrant au chien qu’il peut aller dedans, sans la fermer et en y associant des moments de plaisir comme la mastication ou les jouets.

Une fois que l’étape apprentissage de la cage est obtenue, la cage peut être fermée pour des temps courts et utilisée comme outil d’éducation. Le chien n’est pas en panique dans sa cage et les temps pendant lesquels elle va être fermée sont limités à quelques minutes, voire quelques heures en cas de transport par exemple.

Dans tous les cas d’utilisation, des signes de détresse du chien dans la cage fermée doivent conduire à arrêter de l’utiliser et à chercher d’autres solutions.

Les indications que l’on peut alors citer pour utiliser la cage dans ces bonnes conditions sont alors nombreuses :

  • lieu de couchage apaisant : certains chiens aiment se coucher dans des lieux confinés et abrités (par exemple sous un escalier, dans un placard) et la cage peut constituer pour eux un lieu très apaisant. Elle a aussi l’avantage d’être transportable dans les lieux de vacances ou dans la voiture et constitue alors un repère apaisant. Dans cette indication elle est ouverte et à disposition du chien dans la plupart de ses utilisations par le chien (sauf le transport en voiture) ;
  • terminer l’apprentissage de la propreté pour un chiot de 5 ou 6 mois qui aurait tendance à uriner la nuit peut se faire en l’enfermant dans la cage quelques nuits afin qu’il fasse l’effort de se retenir. Dans cette indication, la cage peut être réouverte après une semaine et la propreté est alors complètement acquise ;
  • apprendre au chien à ne pas venir près de la table à manger pendant le repas de ses propriétaires : le jeune chien peut être enfermé le temps du repas, pendant quelques repas, de manière à lui montrer ce qui est attendu de lui. Bien sûr, l’objectif est que le chien puisse rapidement rester dans la cage ouverte pendant le repas ;
  • accueillir des visiteurs : ce moment est souvent un moment de grande excitation pour les chiens et apprendre au chien à rester quelques minutes dans sa cage (d’abord fermée puis ouverte) au moment de l’arrivée des visiteurs, permet de réaliser un accueil agréable pour tous et empreint de messages sociaux importants pour le chien (« dans cette maison, tu n’es pas responsable de l’accueil, tu nous alertes d’une arrivée, mais nous n’attendons pas de toi que tu régules les entrées et sorties de la maison) ;
  • apprendre à contrôler ses émotions : chez les chiots, le cerveau n’est pas encore assez mature pour contrôler les émotions (frustration, excitation…) et les isoler quelques minutes dans la cage est un moyen de leur apprendre à faire baisser ces émotions. Là encore, lorsque l’utilisation est pertinente, ces temps d’isolement sont très courts et, rapidement, la cage peut être laissée ouverte car le chiot arrive à se calmer de plus en plus vite.

IV- La cage mal utilisée à déconseiller

La cage est très souvent utilisée pour répondre à un comportement indésirable du chien. Lorsque cela est le cas, elle devient indispensable et l’ouvrir conduit à une récidive du problème. Les temps d’enfermement sont souvent longs (plus de 8 heures par 24h) et le problème, mécaniquement empêché mais dont la cause n’étant pas investiguée, n’est presque jamais résolu.

Cette utilisation est tout à fait comparable à l’utilisation des gamelles anti-glouton ou des objets de mastication : ils ne permettent pas de guérir une affection comportementale et leur utilisation doit alors souligner l’existence d’un symptôme. La question à se poser est alors : que fait ce chien pour qu’il ne soit pas possible de s’en sortir sans cela ?

Il est ainsi possible de lister un certain nombre de cas où l’utilisation est à proscrire et où il faut au contraire investiguer la problématique qui a conduit à l’utilisation exagérée de la cage :

  • chiot mis en cage pour toutes les absences et toutes les nuits : cette une utilisation qui se veut préventive des nuisances. Le chiot n’est pas capable de se retenir d’uriner pendant 8 heures avant un âge plus avancé et le laisser confiné dans un espace restreint va générer des douleurs importantes (réplétion de la vessie et du colon sans possibilité d’éliminer sauf s’il élimine sous-lui) ;
  • chien enfermé dans la cage lors des absences quotidiennes pour éviter les destructions. Enfermer le chien dans une zone protégée dans laquelle les destructions possibles sont limitées est une alternative possible. Lorsque cela est recommandé systématiquement par l’éleveur, c’est souvent parce que ses adoptants rapportent des destructions et qu’il ne sait pas comment y répondre. Cela souligne souvent l’existence d’états émotionnels pathologiques (état impulsif, compulsif, phobique ou anxieux) dans ses lignées et il convient donc de soigner les états pathologiques éventuels plutôt que de limiter les nuisances car la souffrance du chien n’est pas prise en charge dans la cage ;
  • chien enfermé car il produit des nuisances en l’absence des propriétaires (autonomopathie, syndrome HSHA par exemple) : mécaniquement le chien ne produira, en effet, pas de nuisance, mais la cause de son problème ne sera pas traitée ;
  • chien enfermé car il est potentiellement dangereux pour des tiers : là encore, en fonction de la durée d’enfermement, cela n’est pas un problème de maltraitance mais bien un problème d’absence de prise en charge du problème comportemental sous-jacent.

Dans toutes les indications où il est pertinent de la recommander, la cage est utilisée comme une étape intermédiaire d’un apprentissage et agit comme guidance de ce qui est attendu avec toujours l’objectif de pouvoir réaliser la même chose avec la cage ouverte. Ainsi, si l’ouverture semble impossible ou que le résultat attendu (chien qui se calme par exemple) n’est pas au rendez-vous, il ne faut pas persister avec de longues durées d’enfermement mais plutôt investiguer pourquoi cela ne fonctionne pas. Très souvent, la réponse est en lien avec l’existence d’une affection comportementale qu’il convient de préciser via une consultation, un diagnostic et un traitement adapté.

Bibliographie

  1. Bleuer-Elsner, S., Medam, T., Masson, S., 2022. The cage as an educational and therapeutic tool for dogs: results of a dog’s: owners questionnaire. Journal of Veterinary Behavior 48, 81. https://doi.org/10.1016/j.jveb.2021.06.018

 

Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Timide ou syndrome de privation ?

Claude BEATA
Dip Ecawbm
Toulon France

I- Introduction

La difficulté, et pas seulement en médecine du comportement, est souvent de tracer la ligne entre le normal et le pathologique. Dans notre discipline, c’est encore plus marqué quand un certain nombre d’acteurs (non-vétérinaires et cela peut se comprendre mais aussi parfois vétérinaires et cela est plus étonnant) contestent l’existence même d’une psychopathologie, et donc d’une souffrance psychique de l’animal, pourtant attestée depuis longtemps [1]

Aujourd’hui, je crois que nous pouvons dire que pour la majorité de nos confrères, et notamment les nouvelles générations, la question ne se pose plus.et notre discipline est reconnue, acceptée au sein des plus grands CHV et pratiquée dans toute la gamme des établissements de soins vétérinaires.

Il n’empêche que la question de la limite entre normal et pathologique, dans le cas qui nous intéresse entre juste timide ou souffrant d’un syndrome de privation n’est pas toujours facile à établir, d’autant plus que les émotions exprimées par l’animal et ressenties par ceux qui le côtoient sont du domaine de la peur

II- La peur, émotion fondamentale

La peur est l’émotion de base de la vie ; elle permet la survie, l’adaptation au danger, l’évitement du risque.

Connue déjà chez des organismes très primitifs, la peur donne lieu à des phénomènes de mémorisation. Les deux grands processus à la fois normaux et pouvant déboucher sur des états pathologiques sont la sensibilisation et l’anticipation.

La sensibilisation va augmenter l’importance de la réponse et elle va pouvoir être déconnectée du danger réel du stimulus.

Quant à l’anticipation, elle va parfois rendre les agressions imprévisibles tant l’animal déclenche la séquence en réponse à des signaux imperceptibles pour l’humain mais qui constituent pour lui un avertisseur.

Enfin l’instrumentalisation est un processus de déstructuration et de rigidification des séquences qui peut faire apparaître des séquences agressives  perdant petit à petit leur régulation.

III- Distinction peur (réaction normale) et phobie stress anxiété

Les mots sont parfois compliqués à utiliser correctement et nos clients, dans un langage familier et absolument normal de la part de non-professionnels, font très souvent la confusion entre les différents mots de la peur . « Mon chien a peur du vétérinaire», « mon chien est anxieux chez le vétérinaire», « mon chien est stressé par le vétérinaire », mon chien a la phobie du vétérinaire » sont pour les clients souvent autant de synonymes.

La première démarche clinique est d’apporter de la rigueur dans l’utilisation des mots qui n’appartiennent pas au même registre sémantique

La peur et la crainte appartiennent au registre de l’éthologie.

La réaction de crainte se déroule en  milieu dans lequel il existe une solution comportementale accessible à l’animal

La réaction de peur elle se déroule en milieu fermé sans solution comportementale adaptée et que l’animal peut prévoir comme efficace.

Le stress appartient au domaine de la physiologie

Il désigne toute pression externe ou interne qui force l’organisme à trouver une solution adaptative

Le terme générique de  stress ne distingue pas les effets positifs, neutres ou délétères de cette fonction et il passer par exemple par les définitions de Breazile pour y voir plus clair (eustress, distress, neutral stress)

L’état phobique et l’état anxieux, les phobies et les anxiétés font partie du vocabulaire psychiatrique ou psychopathologique.

La phobie correspond à une peur disproportionnée par rapport au risque et non adaptative et dont les conséquences peuvent être pires que le danger supposé, exemple : Chien qui saute d’un balcon par peur de l’orage. L’état anxieux est l’état dans lequel augmentent toutes les réactions analogues à celles de la peur en réponse à toute stimulation interne ou externe.

Quand un état de ce type est diagnostiqué, cela implique pour nous sa prise en charge, notamment médicamenteuse.

Ces définitions, fastidieuses par nature, permettent néanmoins d’apporter une première réponse à la question posée : si l’animal présente un état pathologique, phobique anxieux ou dépressif lié à ces stimuli effrayants alors nous sommes en face d’une affection comportementale que nous devons prendre en charge pour diminuer la souffrance. Quand cette affection est la rencontre d’une vulnérabilité individuelle et de conditions de développement trop pauvres alors nous sommes en face d’un syndrome de privation sensorielle dont nous allons ici explorer les caractéristiques>.

IV- Clinique du syndrome de privation sensorielle [2]

Le tableau clinique est dominé par les réactions de peur. Les symptômes dépendent du stade du trouble.

1. Motifs de consultation

Le principal motif de consultation est la peur dont l’objet peut être très spécifique ou au contraire généralisé. Cela peut aussi être :

  1. Une incapacité à sortir dans la rue.
  2. De l’agressivité vis-à-vis des humains ou de certaines catégories d’humains.
  3. De la malpropreté.

2. Symptômes

Les chiens en SP sont des chiens « peureux ». La peur peut se traduire par une inhibition, une réaction de panique ou d’évitement, des manifestations neurovégétatives ou de l’agressivité. Les stimuli susceptibles de déclencher les réactions de peur peuvent être peu nombreux et identifiables (stade I) ou au contraire très nombreux et difficiles à identifier (stade II). En consultation, les chiens sont cachés derrière leur maître, inhibés, explorent très peu la pièce, parfois avec des postures caractéristiques, se laissent difficilement appro­cher.

3. États pathologiques associés

  • État phobique : dans les cas les plus simples, l’expression du syndrome de privation surtout en stade 1 est limité à l’expression d’un état phobique limité à un ou quelques stimulus.
  • État anxieux intermittent (ou productif) : il est extrêmement fréquent et se caractérise par de l’hypervigilan­ce, des manifestations neurovégétatives, des agressions par peur et par irritation dans un contexte émotionnel. Ces agressions sont dangereuses car elles sont pas ou peu contrôlées.
  • État anxieux permanent (ou inhibé) : moins spectaculaire, il signe pourtant une moindre capacité de l’animal à réagir face à son milieu. Il va développer des activités substitutives (léchage, boulimie).
  • État dépressif : Dans les cas les plus graves, dès l’adoption, certain schiots peuvent montrer un état dépressif aigu ou chronique qu’il faut lever rapidement. En vieillis­sant, les chiens en syndrome d privation sensorielle sont prédisposés à faire une dépression d’involution.

4. Diagnostic

Le diagnostic repose sur l’observation de l’animal et l’interrogatoire des propriétaires.

Les critères sont différents selon le stade du SP.

a) Stade I (phobies ontogéniques)

  • Réponses phobiques associées à un état phobique ou un état d’anxiété d’intermittente
  • Apparition constatée dès les jours qui ont suivi l’arrivée du chiot
  • Forte tendance à l’anticipation.

b) Stade II (anxiété de privation)

  • État d’anxiété permanente avec forte inhibition.
  • Comportement exploratoire très inhibé avec apparitions de conduites d’exploration statique.
  • Apparition d’une posture d’expectative qui s’insère au début de la plupart des séquences com­portementales.
  • Ingestion de la nourriture par courtes périodes, prédominance des prises nocturnes.
  • Incapacité à supporter les changements dans l’organisation spatiale et temporelle.

c) Stade III (dépression de privation)

  • État dépressif chronique (présence de troubles du sommeil, énurésie et/ou encoprésie) ; appa­rition de conduites somesthésiques
  • Conservation de comportements sociaux intra ou interspécifiques

5. Pronostic

Il dépend :

  • de l’âge en début du traitement.

Il est primordial de prendre en charge ces cas avant la puberté ou juste à ce moment-là quand cette période est le révélateur;

  • du stade : le stade I est de meilleur pronostic que les autres;
  • de la présence d’agressions : les agressions par peur ou par irritation dans un contexte émo­tionnel sont peu contrôlées et s’instrumentalisent facilement : elles sont dangereuses et de mauvais pronostic, en particulier dans les phobies sociales.

Si le chien a été acheté après 3 mois, un recours légal auprès du vendeur est envisageable.

6. Traitement

Il comprend toujours :

  • une prise en charge biologique (psychotropes phéromones, nutraceutiques…);
  • une thérapie comportementale associant modulation des flux de communication, contrôle des émotions par un travail classique en désensibilisation et contre-conditionnement.

V– Et pour les cas limites

Parfois, souvent même le praticien voit que l’animal n’est pas « normal » au sens statistique du terme. Ses réactions de peur sont très exagérées et elles ne vont pas en s’améliorant mais il peut manquer des éléments pour établir un diagnostic de certitude de syndrome de privation sensorielle.

Ces jeunes animaux rentrent parfaitement dans le cadre de ce que l’OMS nomme la prévention de niveau 2. Certains symptômes existent, il n’y en a pas assez pour établir le diagnostic d’une affection précise mais les prémisses sont là et suffisantes pour décider de mettre l’animal sous surveillance active. La grille 4A signale chez les chiots dans la majorité des cas qu’il y a un déséquilibre sur l’axe de l’anxiété  et parfois sur celui des autocontrôles en situation inquiétante comme chez le vétérinaire par exemple.

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La situation de prévention de niveau 2 demande au praticien de ne pas attendre et d’agir en donnant bien sûr les conseils appropriés mais aussi en n’hésitant pas à utiliser tout l’arsenal thérapeutique qui doit lui permettre d’empêcher le chien de s’aggraver.

Nous pouvons alors proposer une prise en charge raisonnée s’appuyant notamment sur la grille 4A (cf dans les notes du congres Afvac 2023 et aussi sur le site de Zoopsy , accessible à tous les praticiens [3].

  • Quelques peurs signalées, Score 4A inférieur à 15 et score anxiété < 10,

Utilisation de nutraceutiques comme l’alpha-casozépine ou l’huile de chanvre

Conseils pour exposition graduée et contre-conditionnement aux situations inquiétantes. Détruire les idées reçues à propos de sorties précoces

  • Plus de situations déclenchantes, Score 4A autour de 20 et score anxiété >= 10,

Utilisation de nutraceutiques comme l’alpha-casozépine ou l’huile de chanvre, peser l’utilisation de psychotropes comme la sélégiline ou la clomipramine

Plan de prise en charge comportementale avec programme important et éventuel conseils d’un éducateur rompu au travail en partenariat avec les vétérinaires comportementlistes

  • Vie quotidienne gênée par les peurs du chien, Score 4A > à 20 et score anxiété >= 12,

En fonction des symptômes plutôt noradrénergiques, dopaminergiques ou sérotoninergiques choisir la molécule adaptée (clomipramine, sélégiline, fluoxetine)

Plan de prise en charge comportementale avec programme important et aide d’un éducateur rompu au travail en partenariat avec les vétérinaires comportementalistes et suivi régulier

VI- Conclusion

Syndrome de privation sensorielle avéré ou situation ambigue situant l’animal dans la nécessité d’une preventionde niveau 2, dans tous les cas, le vétérinaire doit agir et le faire sans perdre de temps pour conserver toutes ses chances à l’animal.

Bibliographie

  1. Ey, H. and A. Brion, Psychiatrie Animale, ed. D.d. Brouwer. 1964, Paris. 605 pages.
  2. Mege, C., et al., Pathologie Comportementale du Chien. Abrégés Vétérinaires. 2003, Paris: Masson - Pmcac. 319 pages.
  3. Beata, C. Grille 4A. 2018; Available from: https://www.zoopsy.com/grille-4a.php.
Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Turbulent ou syndrome HSHA ?

Muriel MARION
Gecaf
Marseille France

I- Introduction

Savoir si un chiot présente un syndrome HsHa ou est juste turbulent revient à situer la limite normal pathologique. Il est important de pouvoir le faire pour guider et épauler au mieux nos clients et être certain de ne pas compromettre les chances pour l’animal concerné d’avoir avec ses propriétaires une qualité de vie optimale, la précocité de l’intervention thérapeutique modifiant considérablement les chances de succès du traitement.

II- Orienter nos clients vers une consultation de comportement ou vers un centre d’éducation

1. Quels sont les symptômes qui orientent vers une suspicion de syndrome HsHa?

Pour suspecter une maladie, il faut la connaître. le syndrome HsHa est la résultante d’un déséquilibre entre les processus d’activation et d’inhibition. L’activation permet d’agir, de répondre au contexte (interne ou externe) ; l’inhibition permet de modérer et d’arrêter l’action. Dans le cas du syndrome HsHa, il existe un excès d’activation et/ou un défaut d’inhibition. Les séquences comportementales sont modifiées dans une ou plusieurs activités quotidiennes du chien. Il existe à la fois une impulsivité (le chien ne peut s’empêcher de démarrer une action et il ne parvient pas ou mal à la stopper une fois qu’elle est commencée. Cela peut affecter une ou plusieurs séquences comportementales et de ce fait il existe des tableaux cliniques très variables. Beaucoup sont hyper moteurs avec des difficultés à focaliser leur attention. Cela a pour conséquences beaucoup d’agitation, de bêtises, des retards d’apprentissage et des mises en danger. Un signe qui doit alerter est un retard à l’acquisition de la morsure inhibée sur un chiot de plus de deux mois (nous ne parlons pas du fait de mordiller mais d’être capable d’inhiber sa morsure quand le stop est demandé). Cette inhibition de la morsure doit répondre à un signal d’arrêt interne appris avant deux mois lors du développement.

2. Savoir observer

L’observation du chien lors de son arrivée et pendant la discussion avec les propriétaires apporte beaucoup d’éléments.L’arrivée est bruyante, avec une motricité excessive, puis le HsHa hypermoteur continue très longtemps à bouger comme s’il n’arrivait pas à se poser tandis que celui qui souffre plus de déficit d’attention s’arrête si personne ne bouge plus, et si la pièce est calme pour redémarrer à la moindre stimulation.Dans les deux cas, les réponses sont excessives et très rapides. L’exploration est désordonnée (passe plusieurs fois au même endroit), en hauteur et les prises de contact sont brutales.

3. Vérifier que les besoins éthologiques de l’espèce sont conformes

La recherche d’autres symptômes évocateurs d’un syndrome Hsha va vous conduire à explorer des éléments de la vie quotidienne du chien. Vous allez vous faire décrire une journée type et vous aurez ainsi des éléments permettant de vérifier que le chien a bien une quantité d’exercice conforme. Le syndrome Hsha est une maladie à part entière pas une simple agitation liée à un manque d’exercice. La plupart du temps la solution qui consiste à le fatiguer plus a déjà été tentée par les propriétaires sans succès.

III- Placer le curseur normal pathologique

Normal/ Pathologique ? Cette distinction est sans doute l’exercice le plus difficile en médecine du comportement et il est demandé le plus souvent au vétérinaire traitant de l’animal qui n’a pas nécessairement le bagage théorique pour le faire. La définition d’une norme en comportement animal est forcément subjective. La question n’est pas de dire si l’animal répond aux attentes de ses propriétaires mais si ce qu’il fait a une composante pathologique. S’il s’agit de pathologie c’est notre cœur de métier et votre intervention est primordiale. S’il ne s’agit pas de pathologie, il peut être question d’un comportement normal mais indésirable. Il s’agira alors de modifier le comportement mais pas de traiter.

Placer le curseur entre normal et pathologique n’est pas simplement un exercice intellectuel, la place de ce curseur va permettre de déterminer quels moyens d’action, quels délais, quel pronostic et, surtout si l’animal est jeune, de ne pas perdre un temps précieux. Il n’existe pas en médecine du comportement de norme chiffrée permettant d’aider le praticien . Quelques grilles psychométriques existent pour le « chien agité », elles ne sont pas parfaites, et sont parfois un peu complexes à manipuler.

La normalité est caractérisée par l’adaptabilité, la réversibilité et l’absence de souffrance. Si ces trois critères ne sont pas réunis, l’existence d’une maladie est probable. Même si vous ne savez pas la diagnostiquer, vous devez la suspecter et en informer les propriétaires.

2. Les grilles psychométriques pour le syndrome HsHa

En médecine vétérinaire ce sont des hétéro-questionnaires, c’est le propriétaire du chien qui fournit les éléments nécessaires et cela entraine une certaine subjectivité, voir des discordances dans les réponses suivant les personnes du foyer. Il existe très peu de grilles validées en médecine du comportement.

Grille très populaire aux États Unis, le C-BARQ (Canine Behavioral and Research Questionnaire), est un questionnaire destiné à l’étude des tempéraments et à la comparaison des races entre elles, ce qui n’est pas adapté à la détection du syndrome Hsha.

La grille 4A (proposée par Claude Béata en 2008, disponible sur zoopsy.com) étudie le comportement du chien selon 4 axes principaux : Attachement, Autocontrôles, Anxiété et Agressivité. Bien que non validée pour l’instant, l’utilisation de la partie autocontrôles est adaptée lors de suspicion de syndrome Hsha.

L’échelle d’attention et d’activité des chiens issue des travaux de Vas et de Lit et traduite par Nathalie Marlois[1] [2] permet de discriminer les chiens Hsha des chiens « normaux ». L’outil est imparfait car cette échelle ignore beaucoup des aspects du syndrome Hsha (contrôle de la morsure, régulation du sommeil et de la satiété) et reste très subjectif par son côté hétéro questionnaire rempli par le propriétaire.

Aucun outil ne permet à l’heure actuelle d’établir un diagnostic de syndrome Hsha, il s’agit au mieux d’examens complémentaires qui comme dans d’autres domaines de la médecine vétérinaire orientent et aident le vétérinaire dans l’établissement de son diagnostic.

3. Tolérance des propriétaires

Le chien n’est pas le seul acteur, les propriétaires ont souvent des degrés de tolérance très variables vis-à-vis de l’agitation et des bêtises. De la tolérance coupable à l’exigence extrême, tous les degrés peuvent exister. Ce qui est attendu et toléré doit faire partie de votre évaluation mais seule l’analyse des séquences comportementales du chien vous permettra de trancher sur l’existence ou pas d’une maladie. Même si les propriétaires ou au moins le propriétaire présent le jour de la consultation semblent bien tolérer les excès du chien, votre rôle est de signaler ce qui vous paraît anormal aux propriétaires, comme vous le feriez par exemple pour un souffle cardiaque sans expression clinique.

4. Chien de remplacement

C’est une des situations où la tolérance des propriétaires est au plus bas. Le chien est disqualifié d’entrée, il ne sera jamais à la hauteur du disparu dont le deuil n’est pas fait. Si en plus il souffre d’un trouble du développement, ses déviations par rapport à la norme attendue sont encore plus mal vécues par les propriétaires. La relation avec le chien est en danger, et l’absence d’attachement secure réciproque et de qualité est un facteur d’aggravation. Il est important de ne surtout pas perdre de temps.

IV- Quels risques à commencer par l’éducation

1. Perte de temps = perte de chance pour une maladie du développement en comportement

Le syndrome Hsha est un trouble du développement dont le pronostic est grandement amélioré par une prise en charge précoce, idéalement avant la puberté.

2. Démotivation et renoncement des propriétaires.

La vie quotidienne avec un syndrome HsHa, en particulier dans sa forme motrice est une gageure. Les propriétaires sont épuisés, découragés, même les grands adeptes de l’éducation en douceur finissent parfois par s’énerver et punir trop sévèrement. Il existe un risque de détérioration de la relation entre le chien et ses propriétaires pouvant aller jusqu’à l’abandon. Les cages des refuges de protection animale sont pleines de syndrome Hsha qui n’ont pas été soignés et pour lesquels l’hypothèse d’une maladie du comportement n’a jamais été évoquée.

3. Désocialisation intraspécifique secondaire

Lors des rencontres avec leur congénères, les syndromes Hsha ne sont pas toujours bien accueillis. Ils se comportent comme des chiots géants. L’immaturité comportementale dont ils font preuve lors des rencontres canines peut déclencher des remises en place parfois violentes en particulier lorsqu’ils recommencent deux ou trois fois ce qui a déjà fait « dire non » à l’autre chien. Les propriétaires apprennent alors à éviter  « dans le doute » les confrontations avec les autres chiens et en quelques mois cela aboutit à une désocialisation canine. Leur chien perd les codes du langage canin qui n’étaient déjà pas parfaitement acquis.

4. Hyperagressivité secondaire

Lorsque leur incapacité à s’arrêter et à s’empêcher de faire est confondue avec une provocation, une désobéissance, un manque de respect, les chiens atteints d’un syndrome Hsha peuvent faire l’objet de punitions excessives. Cela peut les conduire par la suite à ne plus accepter la moindre forme de contrainte et à produire des réponses agressives lors de tentatives de punition ou de contrainte.

5. Phobie post-traumatique

Vis-à-vis de leurs congénères ou de la contrainte sous toutes ses formes même minime (mise en place du collier sur des chiens ayant subit des tentatives d’éducation au collier électrique ou étrangleur).

V- Ne pas juger mais aider

Vos clients ont plus besoin de votre expertise à propos de leur chien que de votre avis sur leur façon de vivre. Savoir si le chien est dans la norme ou pas, s’ils ont besoin de se rendre chez un éducateur, de prendre rendez-vous pour une consultation de comportement ou des deux conjointement, les aidera plus eux et surtout l’animal que des idées reçues, pas toujours très justes qu’ils ont déjà entendues de nombreuses fois, de la part de non professionnels « A votre âge cette race là c’est pas raisonnable », « En travaillant un type berger c’est pas possible » « Il faut le sortir plus »…

VI- Conclusion

Si l’idée de maladie physique est en général bien acceptée, la maladie « mentale » l’est nettement moins. L’annonce de ce que vous suspectez doit être faite avec prudence pour ne pas heurter les propriétaires. Vous serez régulièrement surpris du « soulagement » que cette suspicion ou annonce de maladie entraine. Si le chien est malade, le trouble du comportement évoqué n’est pas « de leur faute », ils ne s’y prennent pas aussi mal que les critiques autour d’eux ont pu le laisser entendre. De plus s’il s’agit d’une maladie un traitement est peut-être envisageable et avec lui des solutions pour leur quotidien. Quand le doute existe, et cela peut-être le cas car le curseur normal pathologique est difficile à positionner, il vaut toujours mieux consulter pour rien que trop tard, et ce ne sera jamais vraiment « pour rien », ils auront toujours glaner des conseils et recommandations utiles.

Nous devons situer les dérèglements des émotions ou des apprentissages comme des dysfonctionnements de l’organisme, et intégrer les maladies comportementales dans la médecine vétérinaire.

Bibliographie

  1. L’échelle d’attention et d’activité des chiens issue des travaux de Vas et Lit et traduite par Marlois peut-elle être utilisée de façon pertinente dans le dépistage du syndrome Hsha chez le chien. D GROUX- Mémoire pour l’obtention du diplôme universitaire de psychiatrie veterinaire
  2. Assessment of a canine Hypersensitivity-Hyperactivity syndrome rating scale. N Marlois, D Groux, C Mege, C Béata, G Sarcey… - Dog behavior, 2022 - dogbehavior.it
Pas de conflit d'intérêt déclaré.