3 conférences (seules sont affichées les conférences pour lesquelles un texte a été fourni).

> Consensus sur le diagnostic de la dysplasie du coude chez le chien : lier la clinique et l’imagerie

Pierre GUILLAUMOT
83190 OLLIOULES

I- Introduction - Considérations générales

« Qui ne sait pas ce qu’il cherche ne comprendra pas ce qu’il trouve » Claude Bernard

Le complexe des lésions associées à la dysplasie du coude inclut la fragmentation du processus coronoïde médial ulnaire, l’ostéochondrite dissécante du condyle huméral médial, la non-union du processus ancôné et l’incongruence articulaire.

Les manifestations cliniques de ces lésions vont être principalement observées sur des jeunes chiens de grandes races vers l’âge de 6 à 8 mois. On peut toutefois observer des boiteries associées à ces lésions chez des chiens adultes, voire âgés, qui souffrent de l’arthrose entraînée par une dysplasie restée silencieuse lors de la croissance. La boiterie associée est en général fruste à modérée, souvent intermittente avec une tendance à l’aggravation dans le temps et une réponse inconstante aux AINS. Les deux coudes peuvent être touchés dans 50% des cas.

En cas de dysplasie clinique un examen clinique minutieux permet le plus souvent de localiser la source de la boiterie d’un membre thoracique à l’articulation du coude. En présence d’un épanchement articulaire et de douleur à la manipulation du coude, il faut rechercher les signes d’une dysplasie du coude. Lors de douleur localisée à l’articulation du coude, une posture antalgique avec un aplomb en rotation externe du bras est fréquemment notée, pouvant faire craindre par erreur à une déformation de croissance avec valgus du carpe.

La distension des culs de sac synoviaux en cas de synovite peut parfois être observée visuellement sur l’animal debout avant même la palpation de l’articulation. Le test de Campbell a pour objectif initial de tester l’intégrité des ligaments collatéraux du coude en effectuant des mouvements de pronation/supination, coude et carpe maintenus fléchis à 90°. Ce test est également un indicateur sensible de lésion du processus coronoïde ou de synovite. Lors du test en supination, le ligament collatéral médial est mis en tension, ce qui comprime la capsule articulaire et tire sur le processus coronoïde médial ulnaire. En prenant soin d’effectuer une pression concomitante en face interne du coude, ce test est encore plus sensible.

Les examens complémentaires mis en œuvre lors de suspicion clinique de dysplasie du coude ont pour objectif d’aboutir à un diagnostic de certitude de dysplasie mais également d’aboutir à un bilan lésionnel complet afin de guider les recommandations thérapeutiques. Plusieurs lésions simultanées sont possibles : l’examen du coude doit être complet même si une lésion est observée sur une vue radiographique isolée.

Dans le cadre du dépistage, les objectifs sont différents : il s’agit de permettre la détection des lésions de dysplasie, indépendamment de leur caractère symptomatique, non pas dans le but de guider le traitement mais d’éliminer de la reproduction les sujets exprimant un phénotype dysplasique.

II- Radiographie

La radiographie reste l’examen de première intention pour explorer une suspicion de dysplasie du coude malgré sa faible sensibilité. Du fait de la complexité des rapports osseux, le positionnement pour les radios est critique à l’obtention de clichés exploitables. En fonction du tempérament de l’animal une sédation est fréquemment nécessaire. Comme pour tout examen radiographique la réalisation de deux vues orthogonales est recommandée : une vue cranio-caudale et une vue médio-latérale avec le coude en extension. En cas de suspicion de dysplasie du coude ces vues sont insuffisantes : une incidence cranio-caudale en rotation interne de 25° permettra de dégager l’apex et le rebord latéral du processus coronoïde médial et une incidence médio-latérale en hyperflexion permet de désuperposer l’olécrane de l’épicondyle médial.

Une vue oblique supplémentaire a été décrite pour améliorer la visualisation du PCM : l’incidence DIMPLO (disto-médiale-proximo- latérale oblique), nécessitant l’usage d’une cale spécifique.

Dans le cadre du dépistage de la dysplasie du coude en France les incidences retenues sont : face en rotation interne, profil en extension et profil en hyperflexion. Les radiographies doivent être identifiées de façon infalsifiable comme c’est le cas pour le dépistage de la dysplasie de la hanche.

La non-union du PA est observée sur la vue en hyperflexion, et est caractérisée par la persistance d’une ligne radiotransparente entre le PA et l’olécrane au-delà de l’âge de 20 semaines.

L’OCD du condyle huméral médial est caractérisée par une lésion de déminéralisation focale de l’os sous-chondral du condyle huméral médial sur la vue de face.

L’incongruence se met en évidence sur la vue de profil en extension et présente 3 cas de figure : ulna trop court, radius trop court, ou incisure trochléaire trop étroite.

Enfin le diagnostic des lésions du PCM nécessite l’examen attentif de multiples incidences (cf. supra) pour maximiser la sensibilité de l’examen. Si des fragments ou fissures sont parfois visibles, un contour flou, irrégulier ou une déminéralisation du PCM sont souvent les seuls signes radiographiques. L’observation d’une sclérose de l’incisure ulnaire est un signe indirect fréquemment isolé d’une lésion du PCM invisible par ailleurs, comme peut l’être la présence d’ostéophytes sans trauma connu ni autre lésion primitive. Il arrive dans un certain nombre de cas qu’aucune lésion radiographique ne soit identifiable alors qu’une lésion du PCM est détectée en arthroscopie ou chirurgie (3% à 12,6% des cas respectivement dans 2 études).

Dans le cadre de l’exploration d’une boiterie chez un jeune chien, l’examen de la cavité médullaire des diaphyses humérale radiale et ulnaire doit s’attacher également à rechercher des signes de panostéite (plages hyperdenses focales souvent à proximité des foramen nourriciers).

En l’absence de lésion radiographique, mais en cas de suspicion clinique, l’exploration doit être poursuivie par un scanner.

III- Scanner

Le scanner est l’examen de choix dans l’exploration d’une dysplasie du coude. Cet outil diagnostic permet une évaluation bilatérale, rapide, non invasive, de forte sensibilité diagnostique pour les différentes lésions rencontrées lors de dysplasie du coude et de coût relativement similaire à un bilan radiographique complet. Pour cette raison et du fait de sa disponibilité de plus en plus fréquente dans les centres vétérinaires, cet examen est souvent mis en œuvre en première intention pour l’évaluation d’une boiterie antérieure sur un jeune chien de race à risque de dysplasie.

Le scanner est particulièrement utile pour l’évaluation du PCM. Le scanner permet l’évaluation en 3 dimensions de l’os sous-chondral mais pas du cartilage. Il est beaucoup plus sensible que la radiographie pour détecter les lésions du PCM. En cas de lésion du PCM on peut voir des fragments, des fissures, une hypodensité, de la sclérose et/ou des ostéophytes et remaniements de morphologie articulaire. Les images natives sont des coupes transverses du coude et l’aspect du PCM est évalué sur ces coupes transverses et des reformatages sagitaux passant par l’apex du PCM.

L’incongruence est évaluée de façon plus sensible par scanner que par radio, sur des reformatages saggitaux et frontaux, mais cette évaluation est affectée par positionnement du coude lors de l’examen.

Le PA est idéalement évalué au scanner sur des reformatages sagitaux. Le scanner n’apporte rien au diagnostic de non-union du PA qui peut très bien être posé à la radiographie mais il permet de détecter avec plus de sensibilité, et de façon non invasive, les lésions du PCM concomitantes (jusqu’à 16% des cas chez le Berger Allemand).

L’examen scanner est supplanté par l’arthroscopie dans l’évaluation de l’incongruence articulaire et du cartilage, par l’IRM dans l’évaluation des lésions tendineuses et musculaires péri-articulaires.

IV- Arthroscopie

L’arthroscopie est l’examen de choix lorsqu’une lésion du PCM et/ou une OCD du condyle huméral médial est suspectée sur la base de la clinique, des radiographies ou du scanner. Cet examen permet une inspection complète par observation directe et magnifiée de la cavité articulaire : cartilage et membrane synoviale. Une gradation des lésions cartilagineuses est possible permettant de quantifier l’arthrose de façon standardisée (grille d’Outerbridge). Les fissures, érosions, pertes de substance cartilagineuse et fragments ostéo-chondraux sont visibles dès l’inspection. L’usage d’une sonde permet de tester la mobilité d’éventuels fragments, de tester la consistance du cartilage (chondromalacie), et de mesurer les déplacements relatifs des surfaces articulaires (incongruence). Si des lésions de l’os sous-chondral sont suspectées sur la base du scanner ou d’une anomalie de consistance/d’une perte de substance cartilagineuse, la qualité de l’os sous-chondral peut être évaluée par curetage ou sondage. L’arthroscopie peut détecter des lésions qui n’ont pas été mises en évidence au scanner (chondromalacie, fragments non déplacés) mais l’inverse est également vrai (lésions sous-chondrales sans atteinte cartilagineuse). L’arthroscopie est un examen plus invasif que le scanner mais elle permet le traitement de l’affection en cause dans la plupart des cas de lésion du PCM et d’OCD dans la continuité de l’examen si la suspicion diagnostique est confirmée.

L’arthroscopie est également utile lors de NUPA pour évaluer la mobilité du fragment (aide à la décision opératoire) et pour inspecter le PCM à la recherche d’une lésion concomitante.

L’arthroscopie est l’examen de choix pour évaluer l’incongruence (plus sensible que le scanner), à l’aide d’une sonde jaugée introduite au niveau de l’incisure ulnaire. Au contraire du scanner, les rapports anatomiques intra-articulaires sont évalués de façon dynamique et la position du membre peut être modifiée pendant l’examen.

Bibliographie

  1. FITZPATRICK, N., SMITH, T. J., EVANS, R. B. &  YEADON, R. (2009) Radiographic and arthroscopic findings in the elbow joints of 263 dogs with medial coronoid disease. Vet Surg 38, 213-223
  2. HAUDIQUET PR et al (2002) Use of the distomedial-proximolateral oblique radiographic view of the elbow joint for examination of the medial coronoid process in dogs. Am J Vet Res; 63:1000-5.
  3. LAU, SF et al (2014) Radiographic, Computed Tomographic, and Arthroscopic Findings in Labrador Retrievers With Medial Coronoid Disease. Veterinary Surgery, 1–10.
  4. MASON (D.R.) et al(2002) Sensitivity of Radiographic Evaluation of Radio-Ulnar Incongruencee in the Dog In Vitro, Vet. Surg. 31 : 125-132
  5. WAGNER, K et al. (2007) Radiographic, computed tomographic, and arthroscopic evaluation of experimental radio-ulnar incongruence in the dog. Vet Surg 36, 691-698
Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Ostéochondrose dissécante du coude et d'ailleurs : quel traitement pour quelle OCD ?

Jean-François BOURSIER
Clinique Vétérinaire Tourainevet
Rochecorbon France

I- Introduction

L’ostéochondrose  est un terme décrivant une atteinte développementale des cartilages de croissances chez les chiens dont le squelette est encore immature. Cette dénomination décrit une anomalie dans le processus d’ossification endochondrale, procédé durant lequel le cartilage de croissance de l’épiphyse se transforme graduellement en os à travers différentes étapes de minéralisation de la matrice endochondrale, de vascularisation et d’ossification.

Une classification existe afin de décrire les ostéochondroses :

  • ostéochondrose latens : lésion microscopique et précoce ;
  • ostéochondrose manifesta : lésion subclinique visible macroscopiquement et visible à la radiographie ou sur les examens complémentaires ;
  • ostéochondrose dissecans (OCD) : décrit une atteinte avec un fragment cartilagineux, attaché ou libre, présent et associé à des signes cliniques.

II- Etiologie et présentation clinique

L’ostéochondrose dissecans est une maladie orthopédique multifactorielle affectant le cartilage articulaire et l’os sous-chondral chez les jeunes chiens de race moyenne à géante. L’origine de cette atteinte est multifactorielle : héréditaire, croissance rapide, alimentaire ou traumatique. La morphologie de l’articulation et la conformation des membres sont également des causes de développement de l’OCD, ou en tout cas des facteurs de risques.

Les 4 articulations les plus fréquemment touchées par l’ostéochondrose dissecans chez les chiens est l’épaule, le coude, le tarse et le genou. Une prédisposition est notée chez les mâles qui sont plus souvent atteints par cette affection que les femelles, et des races à risque existent comme le Grand Danois, le Labrador, le Golden Retriever, le Terre-Neuve, le Mastiff ou le Berger Allemand. Un gonflement, de la douleur et une ostéo-arthrose précoce sont les principaux signes cliniques rencontrés lors d’ostéochondrose dissecans chez le chien, associés généralement à une boiterie unilatérale ou bilatérale chronique, majorée par un exercice. Les signes cliniques se déclarent généralement entre 5 et 7 mois, mais le diagnostic est parfois établi bien plus tard car l’OCD peut passer inaperçue dans ses phases débutantes, et ne se déclarer cliniquement qu'après remaniements osseux ou inflammation importante de l’articulation.

Certaines atteintes bilatérales peuvent être un vrai défi diagnostic, la gêne clinique se situant alors sur les deux côtés. Dans le même esprit, il est toujours recommandé d’explorer le membre controlatéral lorsqu’une atteinte d’OCD est suspectée.

III- Diagnostic et examens complémentaires

Cliniquement, les chiens qui présente un OCD d’une articulation présentent donc une boiterie ou une intolérance à l’effort.

L’examen complémentaire le plus souvent réalisé afin d’explorer une OCD d’une articulation est l’examen radiographique. Un bilan radiographique peut permettre de visualiser la perte de continuité de la surface sous-chondrale visible à la radiographie. Le plus souvent une concavité, ou une lésion dite en « coup d’ongle », peut se voir sur cet examen. Dans certains cas, une sclérose osseuse en marge de cette lésion est également visible. Un flap cartilagineux peut également être distinguable sur certains clichés, si ce dernier est minéralisé.

L’utilisation de produit de contraste intra-articulaire, afin de réaliser une arthrographie en contraste, permet également de suspecter une irrégularité de la surface cartilagineuse.

En cas de doute, le recours à de l’imagerie en coupe est vivement recommandé : scanner et/ou IRM.

En médecine humaine, l’IRM est à considérer comme le gold standard afin d’explorer les anomalies des surfaces cartilagineuses.

Même lors de diagnostic de certitude sur des radiographies, l’exploration par scanner est souvent recommandée afin de confirmer l’atteinte, mais également afin d’explorer d’autres lésions développementales de l’articulation, notamment lorsque l’OCD touche le coude ou le genou. Dans les cas d’OCD du tarse, le scanner peut également apporter une aide précieuse au chirurgien, dans la planification de son approche thérapeutique par arthroscopie.

A cheval entre l’examen complémentaire diagnostique et une option thérapeutique, l’arthroscopie permet une visualisation directe de la surface articulaire. En effet, l’arthroscopie apporte un pouvoir diagnostique non négligeable dans ce type d’atteinte, tout en permettant le cas échéant de retirer le fragment d’OCD et de traiter la lésion.

IV- Traitements de l’ostéochondrite î

1. Traitement conservateur

Historiquement, le traitement conservateur a été le premier employé dans le cadre d’ostéochondrose dissecans. Elle consiste en une période de repos strict avec ou sans coaptation externe et un traitement médical par anti-inflammatoires non stéroïdiens. Le traitement conservateur est la méthode la moins invasive et la moins coûteuse pour le propriétaire, mais offre cependant de mauvais résultats sur le court et long terme. Elle n’est donc effectuée qu’en dernier recours et dans la grande majorité du temps par souci financier ou à cause de facteurs de comorbidités élevés (risque anesthésique majeur, obésité morbide …). La seule indication potentielle sera lors de très petite lésion sous-chondrale et lorsque les signes cliniques sont vraiment très faibles, voire absents. Lors de découverte fortuite, cette approche peut être à retenir.

2. Traitement chirurgical

L’objectif du traitement chirurgical de l’OCD est de traiter l’articulation en restaurant une articulation non douloureuse et en faisant disparaitre la boiterie, mais a également l’objectif de réduire les conséquences liées à l’OCD, notamment ralentir le développement de l’arthrose.

Le traitement chirurgical se fait dorénavant le plus souvent par arthroscopie, qui est une techniquement minimalement invasive de l’approche articulaire, mais peut parfois nécessiter une arthrotomie.

Le minimum chirurgical consiste à explorer l’articulation et à retirer le flap cartilagineux gênant. D’autres techniques chirurgicales ont été décrites ces derniers temps afin de prendre en charge l’OCD chez le chien.

V- Techniques réparatrices et palliatives

Les techniques palliatives permettent le débridement et le lavage de l’articulation. Il n’est à ce stade prouvé aucun bénéfice à ne réaliser que cette approche, sans procédures réparatrices complémentaires. Ces dernières ont pour objectif de stimuler la cicatrisation naturelle du defect cartilagineux et osseux par la stimulation de la croissance osseuse. Cette approche débute toujours par le débridement de la lésion. L’objectif est de créer un accés vasculaire à la lésion de l’os sous la lésion jusqu’à celle-ci. Cette approche permet la cicatrisation de la lésion par une cicatrise de tissu fibrocatilagineux. Les techniques réparatrices les plus souvent réalisées sont le curetage de la lésion et la réalisation de micro-picage ou micro-fracture. 

La technique de curetage peut être effectuée sous arthroscopie, technique minimalement invasive qui permet une récupération post-opératoire plus rapide ainsi qu’un risque infectieux diminué. Elle consiste en un curetage de la zone d’OCD et du cartilage friable en marge de cette zone afin d’enlever le cartilage calcifié déjà présent, et la réalisation de micro-picking (forage ponctiforme à l’aide d’une broche de 1 mm afin de stimuler un saignement de l’os sous-chondral et ainsi stimuler la formation d’n fibrocartilage cicatriciel) sur l’ensemble de la zone d’OCD.

1. Techniques de restauration de la surface articulaire

En médecine humaine, la pierre angulaire du traitement de l’ostéochondrose du genou réside dans la restauration de la surface articulaire affectée. Les deux méthodes les plus employées sont une autogreffe ou une allogreffe. Le re-attachement du fragment peut également être une alternative chez l’homme, mais la faible taille des fragments d’OCD chez le chien rend cette technique trop aléatoire pour être considérée.

2. Greffes ostéochondrales - Autogreffe

L’autogreffe consiste en un prélèvement d’os sous-chondral et de cartilage articulaire sain provenant du même patient et généralement de la même articulation, au retrait de la lésion d’OCD et à la mise en place du greffon au niveau de l’ancienne zone d’OCD devenue libre.

Cette technique nécessite la réalisation d’une arthrotomie afin de visualiser l’ensemble des lésions d’OCD, la présence d’autres affections intra-articulaires (rupture de ligament croisé, méniscopathie, synovite …) et d’effectuer le prélèvement du greffon et son implantation.

Un des aspects importants de la chirurgie est l’identification et le prélèvement du greffon. En effet, le greffon doit présenter des caractéristiques très spécifiques afin d’assurer une récupération optimale : il doit présenter un aspect sain, être suffisamment large afin de combler la lésion d’OCD, se trouver sur une surface qui n’est pas en contact avec le cartilage de support articulaire du tibia ou les ménisques durant la marche de l’animal. Pour ces raisons, le greffon est généralement prélevé au niveau de la trochlée médiale distale au niveau du sulcus terminalis. Les 2 autres sites potentiels de greffon sont situées au niveau des crêtes trochléaires médiale et latérale. Le diamètre du greffon peut être de 6, 8 ou 10 mm de diamètre sur une profondeur de 8 mm selon la taille et la forme de la zone d’OCD.

3. Technique de resurfaçage synthétique

La mise en place d’un implant synthétique comme technique de resurfaçage cartilagineux est une technique similaire à l’autogreffe mais ne nécessite pas de prélèvement de greffon et repose sur la mise en place d’un implant synthétique de 8, 10, 15 ou 20 mm de diamètre et de 8 mm de profondeur.

Les principaux avantages de cette technique sont la possibilité de traitement d’une articulation qui présente une ostéoarthrose majeure avec un cartilage de mauvaise qualité sur l’ensemble de la surface articulaire empêchant la réalisation d’une autogreffe et un retour rapide à la marche de l’animal grâce à l’ancrage immédiat de l’implant. De plus, l’usage d’implant synthétique permet d’éviter le retrait d’un greffon de cartilage sain qui peut entrainer des conséquences assez importantes à moyen terme (fracture du fémur distal, instabilité patellaire) et long terme (arthrite chronique).

Les principaux inconvénients de cette technique sont un coût élevé pour le propriétaire, la mise en place d’un implant qui peut présenter des fractures/débricolage/infection ainsi que l'impossibilité d’additionner les mises en place d’implant sur une zone d’OCD importante.

Bibliographie

  1. Breinan HA, Martin SD, Hsu HP, Spector M. Healing of canine articular cartilage defects treated with microfracture, a type-II collagen matrix, or cultured autologous chondrocytes. J Orthop Res. 2000 Sep;18(5):781-9.
  2. Choate CJ, Kim SE, Hudson CC, Spreng D, Pozzi A. Effect of lateral meniscectomy and osteochondral grafting of a lateral femoral condylar defect on contact mechanics: a cadaveric study in dogs. BMC Vet Res. 2013 Mar 22;9:53.
  3. Cook JL, Hudson CC, Kuroki K. Autogenous osteochondral grafting for treatment of stifle osteochondrosis in dogs. Vet Surg. 2008 Jun;37(4):311-21
  4. Egan P, Murphy S, Jovanovik J, Tucker R, Fitzpatrick N. Treatment of Osteochondrosis Dissecans of the Canine Stifle Using Synthetic Osteochondral Resurfacing. Vet Comp Orthop Traumatol. 2018 Feb;31(2):144-152.
  5. Fitzpatrick N, Yeadon R, Smith TJ. Early clinical experience with osteochondral autograft transfer for treatment of osteochondritis dissecans of the medial humeral condyle in dogs. Vet Surg. 2009 Feb;38(2):246-60. 
  6. Fitzpatrick N, Yeadon R, van Terheijden C, Smith TJ. Osteochondral autograft transfer for the treatment of osteochondritis dissecans of the medial femoral condyle in dogs. Vet Comp Orthop Traumatol. 2012;25(2):135-43.
Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Traitement de la NUPA : classification , option chirurgicale

Fabien ARNAULT
Zebrasoma
Besancon France

I- Introduction

La Non Union du Processus Anconé ou NUPA est une pathologie du développement du coude. Elle est une des entités de la dysplasie du coude selon le International Elbow Working Group (IEWG). A la différence des autres entités de la dysplasie du coude (fragmentation du processus cornoide medial (FPCM), OCD et incongruence) qui siègent dans le compartiment médial de l’articulation, la NUPA est une affection du compartiment caudal et a des caractéristiques pathophysiologiques, radiographiques et thérapeutiques propres.  

L’étiologie de la NUPA n’est pas claire et est certainement multifactorielle (génétique, traumatique, incongruence…). C’est une affection classiquement rencontrée chez le Berger Allemand et plus rarement dans d’autres races comme le Danois, le Saint Bernard, le Basset Hound, le Greyhound ou le Cane corso. Chez ces races, le processus anconé a son propre centre d’ossification à l’inverse des chiens de petite taille qui ne sont pas sujet à NUPA. Une théorie, sur l’étiologie de la NUPA, largement répandue est qu’une croissance asynchrone du radius et de l’ulna (incongruence radio-ulnaire à ulna court) entraine une augmentation de pression sur le processus anconé, empêchant sa fusion au reste de l’ulna.

La NUPA rentre dans le diagnostic différentiel des boiteries du coude chez le jeune. Son diagnostic est radiographique (vue de profil en hyperflexion). L’absence de fusion du processus anconé à 20 semaines d’âge est considérée comme une non-union.  Le scanner et/ou l’arthroscopie, bien qu’inutiles au diagnostic de NUPA, sont fondamentaux au diagnostic des affections concomitantes de la dysplasie du coude (16% des chiens avec une NUPA ont également une FCPM) ainsi qu’aux choix thérapeutiques.

II- Classification des NUPA

Chez le jeune chien, le processus anconé non uni peut être plus ou moins mobile. Il a été proposé une classification des non-unions en 5 stades. Cette classification est basée sur les clichés radiographiques et la palpation per-opératoire du processus anconé  sous arthroscopie ou arthrotomie.  

1. Stade 1

Radiographiquement le processus anconé n’est pas fusionné mais la ligne de non union est incomplète, le processus anconé est en position anatomique sur la vue en flexion et en extension. A la palpation, il est fermement attaché à l’ulna.

2. Stade 2

Radiographiquement la ligne de non union est complète, le processus anconé est en position anatomique. En comparant la vue en extension et en flexion, tout comme à la palpation, on note une mobilité présente mais minime. 

3. Stade 3

Radiographiquement la ligne de non union est complète, le processus anconé est en position anatomique. En comparant la vue en extension et en flexion, tout comme à la palpation per-opératoire, on note une mobilité significative du processus anconé. Pas d’incongruence et pas de FPCM. 

4. Stade 4

Radiographiquement : le processus anconé n’est pas fusionné, la ligne de non union est large et irrégulière (résorption du processus anconé et de l’ulna). En comparant la vue en extension et en flexion, tout comme à la palpation, on note une mobilité très importante du processus anconé. On note une incongruence radio ulnaire associée.

5. Stade 5

Stade 4 associé à une FPCM.

III- NUPA et options thérapeutiques chez le jeune

L’objectif des traitements est de supprimer la douleur liée à la mobilité du processus anconé, de restaurer la stabilité de l’articulation et d ‘empêcher que l’arthrose se développe dans le coude.

Le pronostic dépend de l’âge et du stade de la NUPA au moment du diagnostic. Un diagnostic et un traitement précoces sont donc la clé du succès. Il est classiquement admis que le pronostic est meilleur si le bon traitement est réalisé  avant l’âge de 6 mois.

Il est classiquement décrit 4 options thérapeutiques :

1. Le retrait du processus anconé non uni

Il s’agit du traitement historique de la non union du processus anconé. Il se réalise par un abord latéral du processus anconé à travers le muscle anconé. Retirer le processus anconé permet de traiter la douleur liée à la mobilité du processus anconé mais ne permet pas de restaurer la stabilité de l’articulation et donc n’empêche en rien une évolution arthrosique du coude. 50% des chiens seulement sont indemnes de boiterie (1). Malgré cela, 90% des propriétaires se disent satisfaits. Tous les articles sur le retrait du processus anconé sont anciens et n’incluent aucune évaluation objective de la boiterie des chiens.  

2. La fixation du processus anconé seul

Il s’agit ici de fixer le processus anconé au moyen d’une vis en compression. Cette fixation est réalisée par abord caudo latéral du processus anconé. L’utilisation d’un guide de visée semble nécessaire. L’emploi d’un contrôle arthroscopique per-opératoire permet de mieux apprécier la qualité de réduction. L’objectif ici est de fixer le processus anconé pour qu’il fusionne à l’ulna en restaurant ainsi l’anatomie et la fonction normale du coude. Un petit nombre de publications de la fin des années 90 s’accordent pour dire que l’absence de fusion et sa suite logique,  les ruptures d’implants, sont la règle (jusqu’à 90%) (2). Si, comme il est classiquement admis, la NUPA a pour cause une incongruence radio-ulnaire à ulna court, il semble logique qu’une fixation seule d’un processus anconé soumis à des pressions anormalement élevées soit vouée à l’échec.

3. Ostectomie ulnaire seule

Selon la théorie précédemment évoquée, l’ostectomie ulnaire permet de libérer l’ulna, la migration de l’ulna sous la traction du triceps permettrait une correction de l’incongruence radio ulnaire et une levée des forces anormalement importantes s’exerçant sur le processus anconé. La levée des pressions sur le processus anconé permettrait sa fusion au reste de l’ulna. Il a été décrit diverses ostectomies ulnaires : proximales, distales, transverses, obliques… Celle qui semble à la fois la plus efficace et la moins sujette à complications (non union de l’ostétomie, bascule caudale et varus extreme du fragment proximal de l’ulna) est l’ostectomie ulnaire proximale bioblique. Elle est réalisée par abord caudal de l’ulna, 3 à 6 cm distalement à l’interligne articulaire, en réalisant un trait de coupe très oblique proximo-latero-caudal vers disto-medio-cranial.

Les résultats sur cette option thérapeutique sont contradictoires avec un taux de fusion du processus anconé de 22 à 95% (3). Cette technique semble mieux fonctionner sur des chiens de moins de 6 mois, avec un processus anconé peu mobile.

4. Ostectomie ulnaire et fixation du processus anconé

La combinaison des 2 techniques précédentes semble intellectuellement séduisante. La fixation du processus anconé lui assure une stabilité immédiate et l’ostectomie ulnaire lui donne les conditions nécessaires à sa fusion. En compilant les articles sur le sujet, on trouve 58 NUPA traitées par ostectomie ulnaire+ fixation avec un taux de fusion de 90% à 8 semaines post-opératoire. Il est reporté que la fusion d’un processus anconé très mobile est possible. On peut améliorer la cicatrisation osseuse du processus anconé en curetant le tissu d’interposition au sein de la ligne de non union et en le substituant à une greffe cortico-spongieuse.

En se basant sur les quelques études comparatives des différentes options thérapeutiques des NUPA (4), il semble clair que l’ostectomie ulnaire associée à la fixation du processus anconé donne les meilleures chances de réussite à moyen et long terme.

IV- NUPA et options thérapeutiques chez l’adulte

Même si le thème de notre congrès annuel est « le jeune », il n’est pas rare de diagnostiquer à l’âge adulte une NUPA : la question du traitement dans ce cas de figure demeure entière.

Si le processus anconé n’est pas fusionné mais qu’il est encore fermement attaché à l’ulna, les signes cliniques sont souvent discrets et un traitement conservateur est à privilégier.

Si le processus anconé est mobile, s’est détaché récemment es est associé à une boiterie très significative, la seule option thérapuetique est le retrait du processus anconé. La fixation d’un processus anconé très mobile associé à une résorption osseuse importante sera un échec.

V- Conclusion

Voici ma proposition de traitement des NUPA :

Une fois le diagnostic de NUPA posé, chaque chien aura une arthroscopie médiale du coude pour à la fois classer la NUPA dans un des 5 stades et traiter les lésions concomitantes de dysplasie du coude comme la FPCM:

  • si le chien a moins de 6 mois en stade 1 ou 2 : ostectomie ulnaire bioblique seule ;
  • si le chien a entre 5 et 9 mois en stade 2 ou 3 : ostectomie ulnaire bioblique et fixation du processus anconé ;
  • si le chien a entre 5 et 9 mois en stade 4 ou 5 : ostectomie ulnaire bioblique et fixation du processus anconé associée à un curetage et greffe de la ligne de non union ;
  • si chien aplus de 9 mois : il est considéré comme un chien adulte donc il faut procéder à un traitement conservateur ou à un retrait du fragment.

Bibliographie

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Pas de conflit d'intérêt déclaré.