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> Atrésie anale et fistules recto-vaginales

Delphine SARRAN
Gec
Nantes France

I- Introduction

L’atrésie anale est une anomalie ano-rectale congénitale, qui s’accompagne parfois de fistule recto-vaginale ou de fistule recto-urétrale. Cette anomalie est généralement diagnostiquée chez l’animal jeune et il est important de savoir la reconnaitre, la définir, proposer le traitement le plus adapté et en connaitre le pronostic.

Il faudra rapidement répondre aux questions suivantes du propriétaire : Est-ce que cet animal est viable ? Est-ce réparable ? Quel sera le pronostic ? Enfin… Combien ça coute ?

L’objectif de cette présentation est de vous aider à répondre à toutes ces questions.

II- Épidémiologie

En médecine humaine, les imperforations anales et les malformations ano-rectales (MAR) sont des malformations fréquentes dont la prévalence dans les pays occidentaux est évaluée à environ 1/1500-2000 naissances.  Point important, elles sont associées à d’autres malformations dans environ 70% des cas.

En médecine vétérinaire,  l’étude la plus large date de 2005. Dans cette étude, 30 ans d’admissions à l’hôpital universitaire vétérinaire du Tennessee ont été passés en revue. Le résultat : 11 cas sur 39 ans, entre 1964 et 2003.  L’incidence est rapportée beaucoup plus faible dans une étude menée en Pennsylvanie : 1 cas sur 14000 présentés en clinique.

Attention cette prévalence ne reflète peut-être pas la réalité parce que beaucoup d’animaux malformés à la naissance sont euthanasiés.

Cela demeure tout de même la malformation ano-rectale la plus fréquente chez nos animaux de compagnie.

En ce qui concerne la prédisposition sexuelle, chez les chiens le ratio femelle/mâle est environ de 1.8/1.

On ne dispose pas de données chez les chats mais les cas rapportés sont souvent des femelles.

Concernant les prédispositions raciales,  il y a également peu de statistiques. Les races citées dans la littérature  sont les Spitz, Boston Terrier, Bichon Maltais, Chow Chow, Pointer, les caniches nains et toy et les Schnauzers nains.

A titre de comparaison dans les autres espèces, aux Etats-Unis, l’atrésie anale est diagnostiquée sur 0.3% des porcelets et est à l’origine de 3% de la mortalité juvénile chez les cochons. Dans cette espèce, de facteurs génétiques ont été identifiés et désormais des plans de sélection sont mis en place.

III- Embryogenèse et malformation

Puisqu’on parle de malformation congénitale, il est important de revenir sur l’embryogenèse normale d’un foetus pour comprendre ces malformations, pouvoir les décrire et savoir quelle correction proposer.

In utero, le cloaque se divise tout d’abord en rectum et sinus uro-génital. Ces deux structures sont séparées par le septum uro-rectal. La membrane anale se perfore naturellement. Ensuite, le sinus uro-génital donne la vessie et l’urètre. Si le septum uro-rectal ne se développe pas correctement, ou si la membrane anale ne se perfore pas, on aboutit à l’atrésie anale et à une possible communication recto-génito-urinaire.

En médecine humaine, les théories de formation et de migration des septums et bourgeons recto-génito-urinaires sont actuellement controversées. Il est cependant établi que l’anomalie apparait entre la 4e et 8e semaine de grossesse, donc assez précocement. Le diagnostic prénatal est désormais proposé et l’IRM est pour cela l’examen de choix : on vérifie la position du cul de sac rectal et l’éventuelle présence de malformations graves associées (rachidiennes, thoraciques…).

IV- Présentation clinique et diagnostic

85 % des chiens sont présentés avant l’âge de 6 mois mais quelques cas ont été diagnostiqués beaucoup plus tardivement (jusqu’a 4 ans et plus).

Le motif de consultation est influencé par le type et la sévérité de la malformation anale : on peut ainsi avoir de la constipation, du ténesme, un gonflement périnéal, des infections du tractus urinaire, un abdomen volumineux, des vomissements ou de la déshydratation. Plus rarement c’est une découverte fortuite, notamment dans le cas où la malformation ano-rectale s’accompagne d’une fistule recto-vaginale. En effet l’évacuation des selles via le vagin peut contribuer à retarder les signes cliniques d’alerte, surtout si la mère toilette assidûment le jeune malformé.

Le diagnostic est tout d’abord clinique : persistance de la membrane anale ou absence complète d’anus, présence d’une fossette en lieu et place de l’anus, ou bien chez les femelles une fente dorsale a la vulve par laquelle sortent les matières fécales.

Le premier examen complémentaire à proposer est une étude radiographique abdominale : elle permet d’évaluer la position et le volume du rectum. Ensuite, il faut vérifier la présence d’une fistule uro-génito-rectale. Pour cela il faut réaliser une uro-rectographie (pour les mâles) ou vagino-rectographie  (pour les femelles) rétrograde.

En médecine humaine, le diagnostic prénatal se développe et l’IRM est la méthode de choix. L’IRM prénatal permet également d’anticiper les potentielles anomalies anatomiques associées qui poseraient un problème à la naissance.

En médecine humaine toujours, l’échographie et l’IRM peuvent mettre en évidence des anomalies du rachis et de la moelle épinière (moelle épinière attachée basse, lipome du filum terminale). Ces examens permettent également de diagnostiquer l’éventuelle présence d’une masse pré-sacrée, d’un dysraphisme, des malformations génitales associées ou encore la présence d’un cloaque. La cystographie rétrograde n’est réalisée que si l’échographie rénale est anormale. Un bilan thoracique est également conseillé si une malformation ano-rectale est diagnostiquée in utero (radiographies et échocardiographie).

V- Typage de l’atrésie anale

Il est très important de décrire et comprendre parfaitement le type d’atrésie que l’on a à traiter parce que le traitement et le pronostic sont différents selon les types.

Les 4 types d’atrésie anale sont les suivants .

  • Type 1 : c’est une sténose congénitale de l’anus.
  • Type 2 : l’anus est imperforé et le rectum forme une poche aveugle directement crânialement a la membrane anale imperforée.
  • Type 3 : l’anus est imperforé et le rectum forme une poche aveugle qui se termine plus crânialement par rapport à la membrane anale.
  • Type 4 : l’anus peut se développer normalement mais le rectum forme une poche aveugle qui se termine très crânialement, dans la filière pelvienne.

Les structures annexes (sacs anaux et sphincter anal externe) peuvent se développer indépendamment de la malformation ano-rectale constatée.

VI- Gestion thérapeutique de l’atrésie anale de type 1

Dans la littérature scientifique vétérinaire portant sur les cas de sténoses rectales acquises (d’origine inflammatoire) traitées par bougiennage, les plans thérapeutiques sont variables. En moyenne, pour les cas gérés avec succès, les animaux ont subi de 1 à 4 dilatations espacées de 2 à 3 semaines et ils ont reçu entre 5 et 10mg de triamcinolone en intra-lésionnel. Chez l'Homme, 90% des sténoses anales sont d’origine iatrogène, après traitement chirurgical un peu trop zélé des hémorrhoïdes.

En ce qui concerne les sténoses anales congénitales, les cas rapportés en médecine vétérinaire sont assez rares et il n’existe aucun consensus. La fréquence des bougiennages est calquée sur ce qui est réalisé en humaine, à savoir une fois par semaine. On peut également réaliser des injections circonférentielles de corticoides retard au niveau de la sténose, apres chaque bougiennage.

Chez les animaux, les vraies sténoses congénitales sont rares et de toute façon compliquées par une inflammation anale induite par un nettoyage intempestif de la mère. Il peut d’ailleurs être difficile de savoir si la sténose était congénitale ou acquise.

Si le bougiennage échoue on peut proposer une anoplastie. Attention toutefois a prévenir les propriétaires que l’on ne corrigera pas l’absence d’un sphincter fonctionnel. L’anoplastie evitera simplement l’obstruction.

VII- Gestion thérapeutique de l’atrésie anale de type 2

Les animaux atteints d’une atrésie anale de type 2 ont un rectum qui se termine juste en amont du supposé anus, l’anus est présent avec un sphincter anal fonctionnel mais la membrane anale fétale a persisté. Le rectum est attaché à l’anus.

Ce sont les cas les plus simples à gérer chirurgicalement car il faut juste perforer et exciser cette membrane anale et vérifier l’attache du rectum sur les marges anales.

1. Gestion thérapeutique de l’atrésie anale de type 2 avec fistule recto-vaginale

C’est le cas de figure le plus fréquemment rencontré. C’est donc celui sur lequel je m’attarderai un peu concernant la technique chirurgicale.

Typiquement l’animal est présenté en consultation au sevrage ou qq mois plus tard. Le motif de consultation est généralement une anomalie anatomique constatée, de la malpropreté ou des signes d’infection urinaire.

L’examen clinique est univoque : absence de perforation anale et des selles qui sortent par la vulve.

La radiographie montre un rectum aveugle se terminant directement crânialement à la membrane anale et la vagino-rectographie montre la présence d’une communication entre le rectum et le vagin.

Il faut donc réaboucher le colon à l’anus (anoplastie), retirer la fistule recto-vaginale et reconstruire le toit du vagin.

Avant toute chose il est important de vérifier la présence du sphincter anal et sa fonctionnalité.

2. Gestion thérapeutique de l’atrésie anale de type 2 avec fistule recto-urétrale chez le mâle

Plus rare, cette anomalie nécessite une anoplastie, une exérèse de fistule et une urétroplastie.

3. Gestion thérapeutique des atrésies de type 3 et 4

Le pronostic dépend de la distance séparant le colon aveugle et l’anus, la présence initiale d’un anus fonctionnel etc…

Le pronostic est d’emblée plus réservé.

VIII- Pronostic

On note d’une manière générale une amélioration du pronostic dans la littérature, sur les 20 dernières années. Tout d’abord les cas d’atrésie ne sont plus systématiquement euthanasiés. Ensuite, la prise en charge des patients pédiatriques au bloc opératoire a beaucoup progressé, autant en anesthésie qu’en chirurgie.

Le bougiennage offre en moyenne plus de 80% de succès en moyenne après 3 à 4 traitements.

Les cas rapportés de traitement d’atrésie de type 2 avec fistule recto-vaginale sont également porteurs de bons résultats.

L’incontinence fécale se résoud au bout de quelques semaines.

IX- Conclusion

Le pronostic dépend essentiellement de la sévérité de la malformation, de la qualité de la prise en charge anesthésique et chirurgicale mais également de l’implication des propriétaires car les complications post opératoires gênantes (constipation, incontinence fécale, infections urinaires) peuvent durer plusieurs mois.

Bibliographie

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  3. Petersen M. Small animal pediatrics. The first twelve months of life.
  4. Tobias M, Johnston S. Veterinary surgery small animal. Second ed. Elvisier; 2018: 1793-5.
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  7. Mahler S, Williams G. Preservation of the fistula for reconstruction of the anal canal and the anus in atresia ani and rectovestibular fistula in two dogs. Veterinary Surgery 2005; 34:148.
  8. Lee S et coll. Rectovaginal fistula in a dog with a normal anus: a case report. Veterinarni Medicina 2016 61(3): 169–172
Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Corps étranger digestifs : optimiser la prise en charge

Delphine SARRAN
GEC
Nantes France

I- Introduction

Contrairement aux corps étrangers gastriques, les corps étrangers intestinaux sont des urgences chirurgicales qu’ils soient occlusifs ou partiellement occlusifs. Ils représentent la première indication de la chirurgie digestive et la première cause d’occlusion.

Il est donc nécessaire, dès que l’état de l’animal autorise une anesthésie générale, de retirer le corps étranger.

La responsabilité du chirurgien est non seulement de lever l’occlusion pour combattre les effets délétères de celle-ci (iléus, état de choc, translocation bactérienne, nécrose digestive) mais aussi d’éviter les risques de fuites digestives, qu’elles soient liées à la présence du corps étranger ou à notre geste chirurgical.

Il faut donc :

  • être capable de choisir la technique chirurgicale la plus adaptée au cas présenté;
  • connaître et appliquer les bonnes pratiques des entérotomies et entérectomies.

La fuite digestive est la complication que l’on redoute tous dès que l’on ouvre un intestin : elle double le coût des soins, elle augmente considérablement la durée d’hospitalisation et surtout elle assombrit le pronostic . Si le risque de fuite digestive est augmenté par tous les facteurs de comorbidité que l’on connait (sepsis, hypoprotéinémie, maladie concomitante…), la plupart des fuites font suite à une erreur technique ou d’anticipation de la part du chirurgien.

Il est donc important de connaitre les grands principes de la chirurgie digestive et d’en respecter les étapes clé.

II- Arbre décisionnel: ouvrir ou ne pas ouvrir ? ouvrir ou exciser ?

  • Une laparotomie exploratrice est réalisée.
  • Le chirurgien doit veiller à inspecter tout le tractus digestif abdominal car plusieurs corps étrangers peuvent être présents (et ne pas oublier l’estomac!).
  • Les corps étrangers intestinaux peuvent être retirés par entérotomie, par entérectomie/anastomose intestinale, par gastrotomie ou encore sans ouvrir le tube digestif à l’aide d’une pince à corps étranger.
  • Le choix de la technique dépend de la souffrance digestive, de l’ischémie ou de l’évidence de perforation digestive, et surtout de la possibilité au corps étranger à être manipulé par taxis.
  • L’arbre decisionnel est détaillé.

III- Les grands principes de la chirurgie digestive

Qui dit chirurgie digestive dit chirurgie, donc respect des règles de Halsted (asepsie, manipulation douce des tissus, hémostase, préservation de la vascularisation, oblitération des espaces morts, apposition correcte des plans tissulaires et minimisation de la tension sur les tissus et les sutures).

1. Les phases de la cicatrisation intestinale

L’intestin suit grossièrement les mêmes étapes de cicatrisation que les autres tissus.

La première phase, la phase inflammatoire, de J0 à J3-4 est dite la «lag phase». C’est la phase pendant laquelle les molécules pro-inflammatoires et les cytokines agissent. Les collagénases entrent en scène et remodèlent le collagène déposé sur la plaie. Ce phénomène a pour effet d’affaiblir la résistance de la cicatrice d’au moins 15%. Par conséquent pendant cette phase, l’intestin tient seulement par les sutures qui ont été réalisées. C’est donc la phase la plus critique, le risque de fuite digestive est maximal. A noter que cette phase dure jusqu’à 7 jours pour le colon et est également prolongée en cas de péritonite.

Apres la lag phase vient la phase de maturation, pendant laquelle les fibroblastes oeuvrent, la quantité de collagène augmente et il devient plus résistant.

On considère qu’il faut 15 jours pour avoir une résistance satisfaisante pour l’intestin grêle. Attention le coôon en revanche n’a que 50% de sa résistance initiale à 15 jours.

2. Les étapes clés de l’entérotomie

a) L’incision pariétale et le retrait du corps étranger

L’incision se pratique sur la zone intestinale la plus saine qui soit parce que c’est elle qui va devoir cicatriser: idéalement en zone aborale – le corps étranger n’y a pas encore transité, il n’y a pas de lésion visible de la paroi intestinale. Si l’incision en zone aborale du corps étrangerest impossible, on incise sur le corps étranger (on évite la zone orale).

b) Le choix des sutures

Comme pour toute chirurgie, le choix du fil dépend de ses propriétés biologiques et du contexte dans lequel il sera utilisé.

Le fil idéal est donc inerte, non capillaire (pour éviter la translocation des bactéries digestives), doit prévenir ou limiter l’adhérence des bactéries, doit être assez résistant pour dépasser la période pendant laquelle les sutures intestinales sont fragiles et mises à mal par les collagénases et doit glisser correctement dans les tissus.

Classiquement les monofilaments synthétiques résorbables et les agrafes (résorbables ou irrésorbables) sont d’excellents choix pour les sutures digestives.

Les monofilaments irrésorbables (nylon, polypropylène) ainsi que les agrafes irrésorbables (titane) présentent l’intérêt de persister durablement dans le temps, d’être peu inflammatoires et peu capillaires. En revanche les éléments de suture peuvent favoriser l’accroche de nouveaux corps étrangers, voire de bloquer ceux qui auraient pu transiter. Les monofilaments résorbables rapides (glycomère 631, polyglécaprone 25) sont modérément inflammatoires, peu capillaires mais ils perdent entre 50 et 80% de leur résistance à 15 jours, ce qui est trop tôt par rapport à la phase de cicatrisation intestinale.

Les monofilaments résorbables lents (polydioxanone et polyglactine) sont donc préférés : ils sont peu inflammatoires, glissent correctement, ne sont pas capillaires et conservent 80% de leur résistance à 15 jours.

c) Le mode de suture

La règle d’or est de correctement apposer la sous-muqueuse et de réaliser une suture en un seul plan, appositionnelle. Il est désormais démontré que la suture en 2 plans défavorise la cicatrisation (en favorisant la nécrose avasculaire du tissu prisonnier). Les sutures inversantes ont tendance à réduire le diamètre intra-luminal et prédisposent les animaux aux sténoses et à la récidive des obstructions digestives. Les sutures éversantes favorisent l’apparition d’adhérences.

Les surjets simples sont préférés aux points simples car ils exercent une pression plus homogène et mieux répartie sur la paroi intestinale. Il est conseillé de placer les points à environ 3mm de la ligne d’entérotomie (afin de limiter les risques de déhiscence secondaires à l’effet des collagénases) lorsque la taille de l’intestin le permet.

Il est important de placer les points de départ et de terminaison des sutures en dehors des lignes d’incision.

d) Le test d’étanchéité

Surtout pour les chirurgiens novices il est conseillé de réaliser un test d’étanchéité après la suture. Il permet d’identifier directement les potentiels défauts et d’améliorer l’étanchéité des sutures. L’idée est de vérifier si les sutures seront résistantes à la pression maximale d’une anse du grêle en pleine onde péristaltique. Le pic de pression jéjunale est de 25 mmHg. Pour information, on obtient 34 mmHg sur une occlusion de segment de 10 cm par l’injection de 16-19 mL de NaCl avec occlusion digitée, 12-15 mL de NaCl savecocclusion par des pinces de Doyen.

On peut également tester l’étanchéité de manière plus subjective, en utilisant le contenu digestif liquide déjà présent dans les anses concernées.

e) Le renforcement des sutures

La technique la plus courante est l’omentalisation : l’omentum est disponible, large, facilement mobilisable, possède un large réseau vasculaire et lymphatique, et a des propriétés angiogéniques, immunologiques et adhésives.

On peut également réaliser un patch de séreuse, en appliquant la face anti-mésentérique d’une anse jéjunale au contact de la suture à renforcer, avec une double rangée de points simples (ou deux surjets) au monofilament résorbable.

Des cas de patchs musculaires (avec l’abdominal transverse par exemple) ont été rapportés avec succès.

f) Le drainage péritonéal

Sur un contexte de péritonite septique, biliaire ou enzymatique, il existe un réel intérêt à drainer l’épanchement pour améliorer la cicatrisation digestive. On utilise préférentiellement un système de drainage fermé aspiratif (avec un drain de Blake ou de Jackson Pratt par exemple). Cela permet de surveiller l’évolution de la péritonite via l’analyse du liquide de drainage et la quantification/cinétique de production.

3. Complications

Quand le corps étranger a lésé l’intestin et sa vascularisation, il est nécessaire de réséquer la zone concernée. Les deux abouts sont anastomosés par la pose de sutures manuelles (avec du fil comme pour l'entérotomie) ou automatiques (agrafes).

Les inconvénients des systèmes mécaniques sont le coût, la taille des systèmes (il est difficile de les utiliser chez le chat notamment) et les agrafes irrésorbables, qui peuvent à terme devenir des points d’accroche aux nouveaux corps étrangers.

IV- La réalimentation

Il est  impératif de renourrir immédiatement les animaux opérés. Dans ce but, il faut placer un système de nourrissage tel qu’une sonde d’oesophagostomie.

V- Le cas particulier des corps étrangers linéaires

Les corps étrangers linéaires sont rarement occlusifs mais leur traitement reste une urgence chirurgicale. Les points d’attache sont la base de la langue chez le chat et l’estomac chez le chien. Lors de l'intervention, il faut veiller à manipuler avec grande délicatesse les anses intestinales au risque de les cisailler par le corps étranger intraluminal.

Le pronostic est plus sombre lors d’obstruction gastro-intestinale par un corps étranger linéaire puisque le taux de survie est de 80% chez le chien et de 63% chez le chat.

Une étude récente ne montre pas de différence de survie entre les corps étrangers linéaires ou simples, seule la durée d’hospitalisation et le coût sont différents.

Bibliographie

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  7. Mueller MG, Ludwig LL, Barton LJ. Use of closed-suction drains to treat generalized peritonitis in dogs and cats: 40 cases (1997-1999). J Am Vet Med Assoc. 2001 Sep 15;219(6):789-94.
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Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Intussusceptions

Claire DEROY
Vet And Surg
Bordeaux France

I- Introduction

L’intussusception (INT) de l’intestin se définie comme une invagination d’un segment de l’intestin (intussusceptum) dans la lumière du segment adjacent (intussuscipiens) généralement dans le sens du péristaltisme. L’intussusceptum s’invagine dans l’intussuscipiens, en y attirant son mésentère, vaisseaux et nerfs associés avec lui, provoquant une congestion veineuse, et une obstruction, et in fine une nécrose du segment impacté. Les flux sanguins se réduisent, menant à une ischémie intestinale qui peut aller jusqu’à la nécrose.

Les INT les plus courantes sont à la jonction iléo-colique (43,1%), entéro-entériques (30,7%) et colo-coliques. Néanmoins, des intussusceptions pyloro-gastriques ou colorectales ont également été décrites [1].

L’INT gastro-oesophagienne (INT GO) est rare chez le chien : il s’agit d’une invagination de l’estomac dans l’œsophage, causant une morbidité sévère. La plupart sont décrits chez les chiens de moins de 6 mois, avec une prédisposition pour le berger allemand.

Les causes primaires d’INT intestinale comprennent le parasitisme, le corps étranger linéaire, les gastro-entérites, le lymphome intestinal, les MICI, les tumeurs intestinales, les chirurgies digestives ou non digestives (18,9% ayant eu une chirurgie dans les 30 jours précédents) et idiopathiques chez 67 % des cas [1].

L’INT se déclarant chez les chats de plus de 6 ans sont plus souvent secondaires à une MICI ou un lymphome, alors que celles chez les chatons de moins d’un an sont principalement idiopathiques. [2]

II- Signes cliniques

Les signes cliniques sont ceux d’une obstruction digestive : diarrhée aigue, vomissements et douleur abdominale.

Les signes d’INT GO incluent dyspnée et régurgitations, et peuvent être aigus ou chroniques. Aucune cause sous-jacente n’a été identifiée. Cependant, les anomalies de l’œsophage (méga-œsophage, dysmotilité, laxité du hiatus) prédisposent à des INT GO.

III- Diagnostic

L’échographie est la méthode de choix du diagnostic des INT, la radiographie étant non spécifique.

Pour l’INT GO, le diagnostic est posé par radiographie (masse de radio-densité tissulaire dans la portion caudale de l’œsophage, sans visualisation de l’estomac en partie abdominale craniale). Méga-œsophage et broncho-pneumonie par aspiration sont des lésions secondaires courantes. L’évaluation endoscopique de l’œsophage peut contribuer au diagnostic.

IV- Anomalies échographiques

L’échographie met en évidence l’image pathognomonique d’une anse intestinale « en cible », qui peut varier selon la longueur de l’intestin impliquée, la chronicité, la pathologie sous-jacente, la qualité de l’image, et l’orientation de la sonde échographique.

En coupe transversale, la juxtaposition des couches de la paroi de l’intussusceptum et de l’intussuscipiens crée plus de 5 anneaux concentriques hypo- et hyper- échogènes en alternance (quand absence d’œdème ou de compression des parois), le plus souvent avec un cœur hyperéchogène (mésentère invaginé). Cette image est appelée « en cible ». Elle peut aussi ne compter que 2 ou 3 cercles concentriques épais, liés à la compression des surfaces de la séreuse et de la muqueuse (hyperéchogène), ainsi qu’à l’œdème de la muqueuse (hypoéchogène). En coupe longitudinale, l’INT apparait sous la forme de multiples lignes parallèles hypoéchogènes et hyperéchogènes.

V- Prédiction de la réductibilité de l’INT

L’apparence du contenu liquidien à l’apex de l’intussusception, les nœuds lymphatiques invaginés de taille augmentée et l’absence de péristaltisme sont en faveur d’une INT irréductible. Lorsque les couches de la paroi sont clairement visibles, une RM peut être envisagée.

Chez l’homme, des images de vascularisation dans l’intestin invaginé sont associées à un taux de réduction de 94%. Dans une étude similaire chez les chiens, cette même image est associée à un taux de 75%.

VI- Traitement de l’INT

La correction préopératoire de la déshydratation et des désordres électrolytiques est essentielle.

Après l’induction et avant d’opérer, une échographie est conseillée pour exclure une réduction spontanée de l’INT par relaxation intestinale. Même si elle est observée, une chirurgie est le plus souvent nécessaire, à minima pour réduction manuelle (RM), +/- entérectomie +/- biopsies. [1]

Le tractus intestinal entier doit être examiné à la recherche de plusieurs INT, lésions de paroi, corps étrangers ou masses. Avant toute manipulation, 19,6% des chiens présentaient des perforations intestinales. [1]

Dans une large étude de 153 chiens opérés, 6,5% ont eu une RM uniquement, 8,5% une RM avec entéroplicature, 74,5% une RM avec enterectomie, et 10,5% une RM avec entérectomie, anastomose et entéroplicature.

La RM consiste en une traction délicate de l’intussusceptum et en une pression sur l’intussuscipiens pour éviter la déchirure de l’intestin lésé. Cette technique est infructueuse dans 81% des cas. La complication peropératoire la plus fréquente est la déchirure ou la perforation de l’intestin pendant la manipulation, avec écoulement du contenu alimentaire : il convient de prendre toutes les précautions nécessaires pour réduire les contaminations (compresses à laparotomie, etc.), même quand la perforation n’est pas immédiatement visible.

La RM n’est souvent pas réalisable. Si la viabilité intestinale est compromise, il faut recourir à une entérectomie, mais la RM aide au préalable à identifier l’étendue de l’INT et à cibler la vascularisation majeure pour la préserver.

Une entérectomie est réalisée en cas de tentative de RM infructueuse, de paroi intestinale perforée ou dévitalisée, de masse pariétale (tumorale ou non), ou lésions de la séreuse.

Pour l’INT GO, le traitement nécessite la réduction de l’INT par gastropexie bilatérale ou latéralisée à gauche. La chirurgie peut nécessiter l’ouverture de l’hiatus œsophagien pour réduire l’INT (8% des chiens). La chirurgie reste la méthode de choix, même si 2 cas ont été rapportés de réduction de l’INT sous endoscopie avec la mise en place d’un tube de gastrostomie pour permettre la gastropexie. [3]

Après la chirurgie, les animaux doivent être traités contre les endoparasites et autres causes prédisposantes sous-jacentes. Des biopsies de paroi peuvent être réalisées pour analyse histopathologique, pour identifier la cause primaire. Dans une étude rétrospective sur 31 chiens avec INT, la MICI a été diagnostiquée chez 55% des chiens ayant eu une analyse histologique.

VII- Chez l’enfant ?

Chez les enfants, la réduction hydrostatique non chirurgicale est utilisée. Elle consiste en un remplissage du colon par du NaCl en utilisant la pression hydrostatique gravitaire sous échographie. Cette procédure a été utilisée chez le chien pour corriger une invagination iléo-céco-colique chez un chien. Aucune récidive n'a été observée. Cette procédure est innovante, simple et réduit considérablement le coût tout en minimisant la morbidité potentiellement associée à la gestion chirurgicale. Elle ne doit pas être tentée en cas de perforation ou de nécrose.

VIII- Complications

Les complications comptent la récidive, la perméabilité du site de suture, la déhiscence, ou des adhérences, pouvant conduire à une péritonite septique ou une obstruction du site d’anastomose. [1,4]

14% des chiens ont présenté des complications post-opératoires sévères, comme la péritonite septique (6% des chiens, secondaire à une déhiscence du site d’anastomose, une nouvelle intussusception, ou un abcès mésentérique), l’obstruction intestinale, la stricture colique, la récidive d’une INT, ou un volvulus mésentérique.

La récidive est une complication courante chez le chien, proximalement à la première intussusception (indépendamment de la technique chirurgicale). L’INT idiopathique est plus sujette à la récidive.

Le taux de récidive est de 6% à 27% chez les chiens et chats, dans les 3 jours à 3 semaines après la chirurgie. Un très faible taux de récidive (2,6%) a été récemment décrit dans une étude à large cohorte et dans les 3 jours post-opératoires [1]. Le taux de récidive est de 1,6 % suite à une RM avec enterectomie [1].

IX- Entéroplicature nécessaire ?

Après correction de l’INT, le chirurgien doit décider si une entéroplicature est nécessaire ou non pour prévenir le risque de récidive, particulièrement s’il y a une entérite généralisée avec hyperpéristaltisme. L’entéroplicature consiste en la création d’adhérences entre les segments d’intestin grêle : réalisation de boucles d’intestins depuis le ligament duodéno-colique jusqu’à la jonction iléo-colique en les plaçant délicatement bord à bord et en les suturant un à un à l’anse précédente, par des points simples en polypropylene ou polydioxanone. Une plicature complète du jéjunum et iléon est recommandée (la plicature du duodénum n’est pas nécessaire, c’est un site d’INT rare). La sous-muqueuse est incorporée dans les sutures, qui sont placées entre les bords mésentérique et anti-mésentérique avec un intervalle empêchant l’entrappement d’autres segments intestinaux.

Le risque de récidive d’INT semble être réduit grâce à l’entéroplicature, mais peu documenté.

Les complications d’une entéroplicature (immédiatement jusqu’à quelques mois après la chirurgie) incluent l’obstruction intestinale, la strangulation ou le volvulus intestinal, l’iléus généralisé, la péritonite septique, ou la perforation avec abcès intra-abdominal. Le taux de complication chez le chien est plus élevé avec l’entéroplicature (15%) que sans. La même conclusion est tirée dans une étude sur les chats où 66% traités par entéroplicature ont été euthanasiés dû à un iléus sévère, et aucun des 9 chats sans entéroplicature n’a eu de complications. [4]

Le taux de récidive après traitement chirurgical seul sans entéroplicature est faible (5%). Aucune différence significative n’a été rapportée dans le taux de récidive entre les chiens avec et les chiens sans entéroplicature. Un très faible taux de récidive (2,6%) a récemment été décrit dans une large cohorte de chiens (153 chiens), qu’il y ait eu ou non entéroplicature. [1,4]

Chez le chat, la récidive d’INT est de 15% dans les 12 mois et est observée seulement sur les cas traités avec entéroplicature durant la première chirurgie [5].

Le choix de réaliser une entéroplicature doit donc être fait avec précaution et recommandée le plus souvent dans la prévention de récidive quand aucune cause prédisposante n’a été identifiée, ou quand une cause prédisposante n’a pas pu être immédiatement éliminée et seulement dans les cas d’INT récidivantes car elle est associées à des complications majeures à court et long terme, et son efficacité reste non prouvée.

X- Pronostic

Un diagnostic précoce, une fluidothérapie importante, et une correction chirurgicale rapide s’accompagnent d’un bon pronostic.

Les études précédentes portant sur des petits groups de chiens ont un taux de survie de plus de 80% après chirurgie, dépendant de la localisation, de la durée, de l’obstruction et de la cause prédisposante [1,2,4,5].

Pour l’INT GO, les articles les plus récents décrivent un taux de survie de 88% à la sortie de la clinique. [3].

Bibliographie

  1. Larose PH et coll,  Clinical findings and outcomes of 153 dogs surgically treated for intestinal intussusceptions, Veterinary Surgery. 2020;49:870–878
  2. Burkitt JM, et coll, Signalment, history, and outcome of cats with gastrointestinal tract intussusception: 20 cases (1986–2000), JAVMA , 234, 771-776, 2009
  3. Grimes JA, et coll, Characteristics and long-term outcomes of dogs with gastroesophageal intussusception, JAVMA 2020, 256 : 914-920
  4. Applewhite AA, et coll. Complications of enteroplication for the prevention of intussusception recurrence in dogs: 35 cases (1989-1999). J Amer Vet Med Assoc 219:1415–1418, 2001
  5. Haider G, et coll,  Enteroplication in cats with intussusception: a retrospective study (2001–2016), Journal of Feline Medicine and Surgery, 2019, 488–494
Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Prolapsus rectal

Delphine SARRAN
GEC
Nantes France

I- Introduction/Définition du prolapsus rectal

C’est la protubérance d’une partie ou de la totalité du rectum à travers l’anus, donc avec la muqueuse rectale exposée.

Le rectum est la portion la plus distale du gros intestin, et connecte le colon descendant à l’anus. Le début du colon est la jonction colorectale mais cette zone anatomique est en réalité fictive. Plusieurs repères ont été proposés pour la repérer : la symphyse pubienne, l’entrée du bassin, la septième vertèbre lombaire, ou bien encore l’endroit où l’artère rectale crâniale pénètre la couche séro-musculaire de l’intestin. La fin de rectum est la jonction recto-anale. Elle se situe au niveau de l’anus, ventralement à la deuxième ou troisième vertèbre caudale.

Le rectum est attaché dorsalement au sacrum par le mésorectum, qui se raccourcit à mesure qu’il progresse caudalement, pour terminer au niveau de la deuxième ou troisième vertèbre caudale. La surface péritonéale de ce mésorectum se prolonge dorsalement et latéralement sur les bords internes du bassin et il y devient le péritoine pariétal. Il y forme deux fosses péritonéales, une de chaque côté du rectum. Derrière ces deux fosses, le rectum devient donc rétro-péritonéal.

D’autres structures intra-pelviennes soutiennent également le rectum : dorsalement - les muscles sacrocaudaux ventraux droit et gauche, latéralement - les deux muscles levator ani, ventralement – le vagin et le col utérin pour la femelle et l’urètre pour le mâle.

Chez le chien, la vascularisation du rectum est assurée majoritairement par l’artère rectale crâniale, et très minimalement par les artères rectales moyenne et caudale. Ainsi la portion caudale du rectum est moins bien vascularisée que la portion crâniale.

Chez le chat, le rectum intrapelvien semble au contraire très bien vascularisé par les artères rectales  moyenne et caudale.

L’innervation de cette région permet de contrôler efficacement la défécation. Maie elle peut également expliquer la facilité avec laquelle le rectum peut se prolaber.

En effet, lorsque le rectum se distend  beaucoup par la présence de selles, il envoie un signal via les fibres parasympathiques  du nerf pelvien et le réflexe de défécation est initié : le rectum se contracte et le sphincter anal interne est inhibé. Ensuite vient la partie volontaire de la défécation : qui autorise la relaxation du sphincter anal externe et permet le passage des selles.

II- Épidémiologie et physiopathologie

En médecine humaine, le prolapsus rectal touche en moyenne 2,5 personnes sur 100 000 (chiffre tiré d’une étude réalisée au Royaume Uni), en majorité les adultes et personnes âgées, et préférentiellement les femmes. En effet les facteurs de risque incluent les accouchements multiples, les efforts à l’accouchement ou liés à la constipation, l’anorexie, des lésions vaginales suite à un accouchement compliqué et le vieillissement. Dans une autre revue de cas en médecine humaine, 90% des cas présentés sont des femmes ménopausées, multipares, âgées d’environ 70ans. Les hommes présentant un prolapsus rectal sont en  revanche plus jeunes, 40 ans en moyenne.

En médecine vétérinaire, il existe peu d’études rétrospectives de grande envergure. La seule étude date de 1994 et compte 14 cas. Depuis, seuls des cas cliniques isolés ont été rapportés, surtout lorsque le prolapsus est associé à une autre condition pathologique.

Chez les animaux de compagnie, le prolapsus rectal fait toujours suite a du ténesme. Le ténesme peut être d’origine digestive (ténesme colorectal ou anal) ou uro-génitale.

Bien qu’il n’y ait aucune prédisposition raciale, le prolapsus est rencontré en très grande majorité sur les jeunes animaux, dans un contexte d’entérite (et très souvent parasitaire).

Chez l’adulte, le ténésme est soit digestif (le plus fréquemment dans un contexte de hernie périnéale, mais également sur un effet masse dans le colon ou le rectum – néoplasie, polypes), soit d’origine urogénitale (dystocies, urétrite, obstruction urétrale, atteinte prostatique….).

Le prolapsus peut être  dit « partiel » (éversion uniquement de la muqueuse anale) ou « complet » (éversion totale ou partielle du rectum).

III- Présentation clinique et diagnostic

La protrusion rectale est évidente à l’examen du périnée.

Quand le prolapsus est partiel, alors la muqueuse forme un anneau bombé qui fait protrusion des marges de l’anus, après la défécation. La résolution spontanée est fréquente.

Quand le prolapsus est complet, alors le rectum fait protrusion sous la forme d’un cylindre plus ou moins long et plus ou moins gonflé.

La taille du prolapsus est variable, elle augmente avec le temps si l’animal est toujours en ténesme. Le tissu éversé qui est au départ rouge vif devient œdématié, saigne, se dessèche, et peut se nécroser. Le tissu prolabé est relativement insensible et des traumatismes (incluant de l’auto-mutilation) peuvent être infligés par l’animal lui-même très rapidement. Il est donc important, dès la réception d’un animal à prolapsus, de mettre une collerette pour éviter toute lésion qui aggraverait le pronostic.

Ensuite, avant toute manœuvre de réduction, il faut distinguer ce prolapsus d’une intussusception iléo-colique qui se serait extériorisée : pour cela deux éléments sont à prendre en compte : la palpation abdominale est normale lors de prolapsus et une masse allongée est palpée en cas d’intussusception. Enfin si on peut passer une sonde lubrifiée (rigide mais atraumatique – thermomètre, sonde urinaire, doigt, sonde de Poole) par l’anus le long de la protrusion sur plus de 5 à 7 cm, c’est une intussusception.

IV- Recherche de la cause primaire du ténesme

Si le diagnostic du prolapsus est évident, trouver la cause du ténesme qui a mené au prolapsus peut être plus difficile. Et il faut la définir sinon le prolapsus récidivera.

Il ne faut donc négliger aucun aspect de l’examen clinique et axer la recherche selon la clinique et l’historique médical de l’animal.

Ainsi, lors de l’examen clinique initial il faut recueillir un historique complet, réaliser un examen clinique complet, notamment un toucher rectal (cet acte est réalisé sous anesthésie générale, une fois que le prolapsus est réduit) et se concentrer sur la palpation abdominale.

Parmi les examens complémentaires indiqués :

  • une coproscopie (sur plusieurs jours),
  • numération et formule sanguine,
  • biochimie,
  • culture urinaire,
  • radiographies abdominales et thoraciques et échographie abdominale.

Si la présence d’une masse rectale est suspectée, une coloscopie (avec biopsies) est conseillée.

V- Décision thérapeutique

Les enjeux thérapeutiques sont au nombre de quatre, comme en médecine humaine.

  1. Il faut améliorer les symptômes liés au prolapsus (douleur, inconfort, prostration, incapacité à déféquer)
  2. Il faut éviter l’aggravation des lésions, du prolapsus ou l’apparition de nouvelles lésions
  3. Il faut restaurer une physiologie colorectale la plus proche de la normale possible
  4. Enfin il faut corriger durablement l’anomalie et éviter les récidives.

Il faut donc examiner les tissus prolabés : tant qu’ils ne sont pas noirs, secs (c’est-à-dire dévascularisés), nécrotiques ou perforés alors la réduction s’impose, même si les tissus sont violacés ou lacérés. Se les tissus prolabés ne sont pas viables il faudra les réséquer et reconstruire le rectum et la jonction anorectale.

VI- Réduction par taxis et suture en bourse

Sous anesthésie générale (et si possible anesthésie péridurale)  la muqueuse prolabée est lavée (NaCl tièdi dans un premier temps), inspectée et imprégnée de liquide hypertonique afin de diminuer l’œdème (Glucose 30%), puis lubrifiée. Le cylindre prolabé est massé, (de manière homogène mais fermement) de manière à réduire mécaniquement l’œdème. Il est petit à petit repoussé à travers l’anus et replacé (à la manière d’un toucher rectal) dans la filière pelvienne.

On place alors une suture en bourse sur la jonction cutanéo-muqueuse de l’anus, en veillant à conserver une ouverture qui permette aux selles de passer mais pas au prolapsus de récidiver. On utilise un fil monofilament irrésorbable (2-0 ou 3-0).

Une sonde d’aspiration ou un corps de seringue peut être mis dans l’anus afin de mieux apprécier le serrage du nœud.

La suture est laissée en place entre 5 et 7 jours.

Durant cette période l’animal est nourri avec un aliment pauvre en résidu et du lactulose lui est donné.

Et, chose très importante…. Il faut déjà rechercher la cause initiale du prolapsus et engager un traitement.

Si la cause du ténesme a été identifiée et traitée (notamment chez les jeunes animaux parasités), le pronostic est excellent et les récidives rares.

Si le prolapsus récidive, il faut intervenir chirurgicalement, en fixant le colon à la paroi abdominale.

VII- Colopexie

Sous anesthésie générale et péridurale, l’animal est placé en decubitus dorsal et une laparotomie caudale est réalisée. Le colon descendant est tiré crânialement et un assistant non stérile peut vérifier la réduction du prolapsus – sur les animaux de très grand gabarit (par un toucher rectal).

En maintenant cette tension sur le colon,  la paroi du colon est suturée au flanc gauche.

Deux rangs de points simples parallèles (ou deux surjets) à la ligne blanche sont placés entre le bord anti-mésentérique du colon et le fascia du muscle transverse de l’abdomen à l’aide d’un fil monofilament résorbable lent (polydioxanone, taille 4-0).

Alternative à la laparotomie, la colopexie peut être réalisée par coelioscopie, avec deux ports placés sur la ligne blanche et en utilisant  du fil barbelé.

Les effets de la colopexie sont toujours immédiats (des efforts de ténesme peuvent en revanche être constatés les premiers jours) et peu de complications sont rapportées : ce sont en général des entrappements digestifs ou utérins, chez les femelles (notamment lors de gestation ou dystocie).

VIII- Résection et anastomose rectale

Si le prolapsus ne peut pas être réduit ou si le rectum n’est pas viable, une amputation rectale avec anastomose est recommandée. La technique chirurgicale est celle de la « rectal pull through ».

Sous anesthésie générale et péridurale, l’animal est positionné en décubitus ventral, le périnée surélevé. Un corps de seringue est mis dans la lumière du colon. Quatre points d’ancrage sont mis en place tout autour de la muqueuse du colon. La partie dorsale nécrosée est coupée à 1 cm des marges de l’anus (si possible). L’anastomose se fait classiquement et des points simples d’apposition avec un fil monofilament résorbable (polydioxanone 4-0). Une fois la partie dorsale suturée et refixée, la partie ventrale est coupée et suturée. Les points d’ancrage sont retirés et le rectum est remis en place.

Les complications de cette technique sont rares l’incontinence fécale, la déhiscence, les fuites, la récidive du prolapsus et la sténose anorectale.

Attention chez le chat, cette technique est à éviter si possible – fort risque de sténose colique rapporté.

IX- Conclusion

Le pronostic est excellent, avec peu de complications après seulement si la cause étiologique est identifiée et prise en charge.

Bibliographie

  1. Aronson JR, Baines S.  Rectum, Anus, and Perineum. In: Tobias KM, Johnston SA, ed, Veterinary Surgery. Second ed St Louis: Elsevier Saunders; 2018: 1783-1827.
  2. Popovitch CA et coll. Colopexy as a treatment for rectal prolapse in dogs and cats: a retrospective study of 14 cases. Vet Surg 1994; 28:115-118.
  3. Lee S et coll. Delorme’s procedure for complete rectal prolapse: Does it still have its own role? J Korean Soc Coloproctol 2012; 28(1):13-18.
  4. Tobias M, Johnston S. Veterinary surgery small animal. Second ed. Elvisier; 2018: 1793-7.
  5. Siproudhis L, Desfourneaux V. http://www.fmcgastro.org/postu-main/postu-2013-paris/textes-postu-2013-paris/procidenceinterne-du-rectum-syndrome-de-l’ulcere solitairedu-rectum-exclus/. 119-126
Pas de conflit d'intérêt déclaré.