3 conférences (seules sont affichées les conférences pour lesquelles un texte a été fourni).

> Gastro Entérologie : Aspects nutritionnels

Laurence COLLIARD
Madeleine Vet
Paris France

I- Introduction

L’alimentation peut être la cause, faire partie du remède ou être le traitement de la diarrhée chronique chez le chiot et le chaton. De nombreuses options de profils nutritionnels sont possibles et disponibles. L’important est de faire des choix raisonnés qui guideront la prise en charge en fonction de l’effet recherché et des résultats.

II- La tolérance orale

Il est bon de se rappeler la physiologie digestive et les mécanismes impliqués dans la tolérance orale. Les troubles digestifs aigus font parfois entrer l’animal dans un cercle vicieux où le phénomène peut s’autoentretenir voire s’aggraver alors que la cause primaire a disparu.

III- Recueillir les informations

Lors de l’anamnèse, la liste exhaustive de ce que mange le jeune animal (repas principaux + friandises + compléments), des changements alimentaires et de leurs effets est primordial. À cela s’ajoute tout ce que le chiot ou le chaton mâchouille dans la maison ou le jardin (plantes, jouets, proies…). Le but est double : déceler des raisons évidentes d’intolérance alimentaire et estimer les déséquilibres alimentaires. Tout traitement, médical ou complémentaire, doit aussi compléter la liste.

IV- Définir le statut nutritionnel

Il faut ensuite évaluer l’impact de ces troubles digestifs sur l’état général de l’animal et sa courbe de croissance. Cela comprend le poids corporel, évalué sur une balance adaptée, le score corporel, l’état du pelage et l’activité spontanée. Deux questions se posent : l’animal est-il dénutri ? Est-il à risque de dénutrition ? La sévérité des répercussions de la diarrhée va guider le choix de l’alimentation : une atteinte faible permettra des essais thérapeutiques, alors qu’une dénutrition demandera une action radicale.

V- Les options nutritionnelles

Le but est d’arrêter les agressions et de rétablir la tolérance orale. On peut schématiquement classer les solutions en trois grandes options, qui doivent être compatibles avec la croissance : la présence de fibres insolubles (régulation du transit), la digestibilité (optimisation de la digestion et de l’absorption, effet prébiotique variable) et l’utilisation de protéines « naïves » (dites hypoallergéniques). A cela s’ajoute l’utilisation possible de probiotiques. Pour les cas sévères, la ration « hypoallergénique » compatible avec la croissance est choisie en première intention.

Toute transition alimentaire doit être lente et si le mélange de l’ancienne et de la nouvelle ration n’est pas souhaité, l’introduction progressive s’accompagnera alors d’une réduction calorique sur quelques jours. Cela participe à la tolérance orale.

Il est important d’expliquer la démarche, et de maintenir un dialogue continu avec les propriétaires : les effets sont rapides en gastroentérologie. Un choix raisonné, s’il ne donne pas le résultat escompté, est plus acceptable pour le propriétaire qui comprend la démarche. Cela donnera également des pistes pour un prochain essai.

VI- Conclusion

Une démarche rigoureuse en nutrition, comme dans toutes les disciplines vétérinaires, aide à la résolution de la diarrhée chronique chez le chiot et le chaton. Il existe un arsenal thérapeutique en alimentation qui permet d’agir sur un ou plusieurs leviers de la tolérance orale. La démarche doit être raisonnée et faire que le propriétaire devienne un allié thérapeutique. Par ailleurs, tout traitement médical ayant une action potentielle sur la tolérance orale doit être réfléchi et les actions préventives encouragées.

Bibliographie

  1. Colombino E, et al. (2021). Gut Health in Veterinary Medicine: A Bibliometric Analysis of the Literature. Animals (Basel). Jul 3;11(7):1997.
  2. Isidori M, et al. (2022). Nonpharmacological Treatment Strategies for the Management of Canine Chronic Inflammatory Enteropathy—A Narrative Review. Veterinary Sciences, 9(2), 37.
  3. Kathrani A, et al. (2019). Exploring early life events including diet in cats presenting for gastrointestinal signs in later life. Vet Rec. 2019 Aug 3;185(5):144.
  4. Kathrani A (2021). Dietary and Nutritional Approaches to the Management of Chronic Enteropathy in Dogs and Cats. Vet Clin North Am Small Anim Pract. Jan;51(1):123-136.
  5. Marsilio S (2021). Feline chronic enteropathy. J Small Anim Pract. Jun;62(6):409-419.
Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Démarche diagnostique de la diarrhée chronique du chiot et du chaton

Juan HERNANDEZ

La diarrhée est qualifiée de chronique lorsqu’elle évolue depuis plus de 3 semaines ou qu’elle ne rétrocède pas après 15 jours de traitement symptomatique. La diarrhée chronique inclut également les formes évoluant par crises de quelques heures à quelques jours. Ces crises sont initialement considérées comme des épisodes aigus mais la répétition (et souvent le rapprochement) des crises amène à les classer dans les processus chroniques.

La diarrhée peut être associée à de nombreux autres signes cliniques : vomissements, borborygmes, pica, douleurs abdominales, mâchonnement, bâillement, position de la prière …

Lors de diarrhée chronique, la première étape consiste à bien répertorier les signes associés et à distinguer les signes d’atteinte colique, grêle ou mixte (Tableau 1). La localisation de la maladie est essentielle pour hiérarchiser les hypothèses et orienter le choix des modalités d’exploration. Elle peut aussi peser sur certaines décisions thérapeutiques.

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Chez le chaton, la distinction entre une diarrhée d’origine grêle et colique est souvent difficile voire impossible. La consistance des selles en particulier n’est pas un critère fiable. Des selles molles de consistance « bouseuse » peuvent en effet être présentes lors d’atteinte grêle. En revanche, l’hématochézie et la dyschésie restent assez spécifiques d’une atteinte colique y compris chez le chaton. La présence de méléna est clairement en faveur d’une maladie gastrique ou intestinale grêle. Une perte de poids ou un retard de croissance est très évocateur de maladie duodénale/jéjunale. Les atteintes coliques n’entraînent pas d’amaigrissement à 2 exceptions près : la colite granulomateuse des bouledogues et des boxers et la trichomonose féline.

I. Quelles sont les causes de diarrhées chroniques chez le chiot et le chaton ?

Trois causes de diarrhée sont très majoritairement impliquées chez le chiot et le chaton.

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1. Causes alimentaires

Les entéropathies répondant au changement alimentaire sont la cause la plus fréquente de diarrhée chronique chez le jeune animal. Les raisons de l’amélioration observée après un changement alimentaire sont multiples et incluent les intolérances, les dysbioses, les maldigestions et plus rarement les allergies. Il n’existe pas de recette permettant d’assurer une réponse systématique. La règle de « l’essai-erreur » s’applique dans ce domaine. 

Le plus simple est de débuter par un aliment à visée hyperdigestible qui respecte les besoins nutritionnels du chiot en croissance. Des aliments enrichis en fibres pour leurs propriétés prébiotiques sont également possibles. Selon la race et l’âge, les conseils d’un vétérinaire nutritionniste peuvent être nécessaires, surtout si le recours à un aliment à base de protéines hydrolysées ou une ration ménagère est utilisé.

Il est couramment admis qu’un recul de 15 jours après la fin de la transition alimentaire est suffisant pour évaluer l’efficacité du changement alimentaire.

2. Causes infectieuses

Les causes infectieuses constituent une dominante en veillant à inclure bien entendu les causes parasitaires (giardiose, coccidiose, trichomonose …) mais également les causes virales dont les formes sèches de Péritonite Infectieuse Féline. Cette dernière cause devra être évoquée dès que la diarrhée est accompagnée d’un syndrome fébrile chez un chaton. Les causes bactériennes sont assez difficiles à explorer (et donc possiblement sous-diagnostiquées) à cause du portage asymptomatique très fréquent.

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3. Dysbiose

Comme chez les adultes humains ou canins, l’équilibre des populations microbiennes et la préservation de leurs fonctionnalités est un élément important de la santé du chiot et du chaton.  Au cours de la première année de vie, la composition du microbiote intestinal évolue naturellement et sous l’influence de différences facteurs environnementaux (litière, alimentation …) et pathologiques (infection parasitaire ou virale, antibiothérapie …). L’abondance des bifidobactérie est très importante jusqu’à l’âge de 2 mois puis décroit progressivement. L’abondance des lactobacilles augmente substantiellement jusqu’au sevrage.

4. Si les 3 principales causes sont écartées…

Même si les causes infectieuses, alimentaires et dysbiotiques constituent la majeure partie des causes de diarrhée chronique chez le chiot et le chaton, il est parfois nécessaire d’élargir le champ des possibles à des causes plus rares comme l’insuffisance pancréatique exocrine congénitale, les maladies rénales chroniques congénitales, ….

A la différence des causes classiques, ces dernières s’accompagnent souvent de signes généraux qui indiquent une entéropathie à score clinique élevé (vomissement, retard de croissance, maigreur, …).

Les maladies rénales chroniques congénitales peuvent constituer de véritables pièges car l’état général est très longtemps conservé malgré une défaillance fonctionnelle avancée. 

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Piège : un chiot ou un chaton présentant une diarrhée chronique peut présenter une dégradation clinique brutale (abattement, vomissement, hypo/anorexie …). Dans ce contexte, une complication en lien avec l’entéropathie doit être suspectée et recherchée : invagination intestinale, bactériémie

II. Quelle démarche proposer ?

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Partenariat de Recherche sur le microbiote intestinal du chien avec Royal Canin

> Éléments de prise en charge - Traitement médical de la diarrhée chronique du chiot/chaton

Juan HERNANDEZ
Oniris
Nantes France

I- Introduction

La démarche thérapeutique suit la démarche diagnostique (infectieux, alimentaire, dysbiose). Si une cause spécifique de diarrhée chronique est identifiée (parasitaire en particulier), le traitement adapté est bien entendu proposé. La majorité des chiens et des chats présentant une diarrhée chronique répondent durablement à une modification de leur régime alimentaire. Une fraction supplémentaire de patients s’améliore avec des mesures de régulation du microbiote intestinal.  En revanche, contrairement à l’animal adulte, le traitement immunosuppresseur n’est quasiment JAMAIS nécessaire chez le chiot ou le chaton. 

II- Alimentation et prébiotiques

Cf conférence Dr COLLIARD

III- Manipulation du microbiote intestinal

Les probiotiques sont des alternatives aux traitements antibiotiques qu’il est nécessaire de privilégier. Le principe est d’apporter par voie orale des populations de microorganismes connus pour leurs effets bénéfiques sur la santé de l’hôte. Actuellement, les experts s’accordent pour favoriser l’apport d’un mélange de plusieurs souches (essentiellement des Bifidobactéries et des Lactobacilles) en quantité importante. Cette recommandation s’appuie sur les résultats d’études in vitro et in vivo. Dans l’essai VSL # 3, le traitement de l’entéropathie chronique idiopathique chez des chiens adultes a montré une efficacité clinique et histopathologique. En médecine humaine, la présentation qui apporte le plus grand nombre de souches bénéfiques est le Flore Equilibre de Wamine. Les présentations à destination humaine (Vivomixx, Ferments Lactiques Défense Plus de Giphar, …) sont renforcées en nombre de souches et en quantité de microorganismes.

La Transplantation de Microbiote Fécal (TMF) est une pratique très ancienne qui consiste à prélever les selles d'un individu sain et à les transplanter à un malade pour ses vertus thérapeutiques. Elle est sur le devant de la scène médicale depuis la démonstration en 2013 de l’efficacité redoutable de cette pratique dans le traitement de l’infection par Clostridioides difficile chez l’humain. Le taux de succès est de l'ordre de 90% dans cette indication. Par ailleurs, les avancées scientifiques montrent très clairement que le microbiote intestinal est impliqué dans l’apparition et l’entretien de l’inflammation intestinale chez l'humain et chez le chien. Le microbiote est altéré (dysbiose) lors d’entéropathie chronique chez le chien.  

Chez le chien, peu de données cliniques étayent l’efficacité de cette pratique même si elle commence à être de plus en plus répandue.  La TMF trouve sa place après l’exclusion des causes infectieuses, métaboliques et alimentaires. Elle remplace l’utilisation du métronidazole dont les effets négatifs sur la composition du microbiote sont désormais bien documentés.

IV- Critères de sélection des donneurs de selles pour la transplantation de microbiote fécal

1. Critères cliniques

  • Âge entre 1 et 10 ans ;
  • Absence de maladie (y compris aiguë) dans les 6 derniers mois;
  • Absence de maladie digestive chronique, d’atopie ou de maladie immunitaire ;
  • Absence d’antibiothérapie dans les 12 derniers mois ;
  • Vaccination à jour ;
  • Alimentation équilibrée et cuite ;
  • Non obèse et non maigre (note d’état corporel entre 4 et 6/9) ;
  • Score fécal normal ;
  • Absence d’anomalie à l’examen clinique. 

2. Critères biologiques

  • Analyse coprologique par flottation négative ;
  • Test ELISA Giardia négatif ;
  • Recherche PCR ou culture de Salmonelle sp., Campylobacter sp. … ;
  • Index de dysbiose fécale < 0. 

Les selles du donneur sont prélevées lors d’une défécation spontanée dans les 6 heures qui précèdent la TMF. Le transplant peut être conservé à température ambiante pendant cette période. Une suspension fécale est générée en mélangeant 50 grammes de matières fécales fraîches dans 100 à 200 mL de soluté isotonique NaCl 0,9% à l'aide d'un mélangeur commercial. Le mélange est filtré au travers d’une passoire à thé et d’une compresse tissée pour éliminer les particules. La solution finale est administrée par voie colique, duodéno-gastrique ou naso-gastrique à raison de 5 à 10 mL/kg de poids corporel.

Les antibiotiques ont longtemps été utilisés après l’échec des changements alimentaires. La prise de conscience de la nécessité de limiter l’utilisation des antibiotiques pour prévenir l’antibiorésistance et préserver les microbiote de l’organisme amène à se restreindre désormais à l’utilisation du métronidazole (10-12,5 mg/kg BID pendant 1 mois). En cas de rechute, il convient alors de s’interroger sur la nécessité d’un traitement plus long ou sur la nécessité de recourir à d’autres modalités de traitement de la dysbiose (prébiotiques, probiotiques, transplantation de microbiote).

Lors de colite granulomateuse associée à E. coli chez un Boxer ou un Bouledogue, l’invasion bactérienne de la paroi intestinale est traitée par l’administration d’enrofloxacine (5 à 10 mg/kg toute les 12 h, ou 10 à 15 toutes les 24 h) pendant au moins 6 semaines. Le pronostic est alors favorable dans 60 à 70 % des cas. Rappelons qu'en France, la loi relative à l’antibiothérapie en médecine vétérinaire encadre la prescription des substances critiques (dont font partie les fluroquinolones). Il y a donc obligation de confirmer la maladie, au minimum histologiquement, au mieux par Hybridation Fluorescente in situ, et de réaliser une analyse bactériologique avec identification et antibiogramme du E. coli.

V- Supplémentation en vitamine B12

Certaines publications suggèrent que la supplémentation en cobalamine pourrait améliorer les signes cliniques chez les chats hypocobalaminémiques atteints de diarrhée chronique. Pour cette raison, il est plus prudent de supplémenter les chiens hypocobalaminémiques bien qu’il n’existe actuellement aucune preuve démontrant un bénéfice dans cette espèce.

La supplémentation peut se faire par voie orale ou par voie parentérale. La supériorité de la voie orale a été suggérée même chez des patients avec des signes de souffrance intestinale par une étude randomisée. Les doses de complémentation ne sont pas l’objet d’un consensus à l’heure actuelle.

Pas de conflit d'intérêt déclaré.