> Examens à réaliser pendant la gestation

Françoise LEMOINE
Anirepro Atlantia

I- Introduction

La gestation est souvent synonyme de stress pour l’éleveur surtout s’il est peu expérimenté. A l’image du code de la santé publique qui établit un calendrier et des examens obligatoires, le rôle de l'équipe vétérinaire est de proposer un plan de suivi de gestation afin d’anticiper et de limiter les complications de la gestation et de préparer au mieux la mise-bas.

II- Diagnostic de gestation : Savoir si la femelle est gestante

1. Quels examens proposer ?

Le propriétaire ou l’éleveur est souvent impatient de savoir si sa femelle est gestante. Différents examens sont à la disposition du vétérinaire, chacun présentant ses avantages et ses inconvénients.

a) Examen clinique et palpation abdominale

Au cours de sa gestation, la chienne prendra en moyenne 30% de son poids (pouvant varier entre 20 et 55% en fonction du format de la chienne et de sa portée). La prise de poids démarre à la deuxième moitié de la gestation mais sera plus importante à partir du 45e jours (pour les deux dernières semaines).

Chez la chatte, les modifications sont plus caractéristiques de la gestation. Cependant, il existe des chattes ovulant spontanément et des chattes ovulant après saillie et restant vides. Ces chattes entrent donc en pseudogestation et peuvent également présenter des modifications physiques et comportementales 

Chez les femelles gestantes, il est souvent possible d’observer un développement des tétines qui prennent une couleur rose plus intense à partir de 3 semaines de gestation.

De plus, la prise de poids démarre plus tôt chez la chatte. Ainsi cette augmentation est linéaire et observable à partir de 14 jours de gestation. La chatte prendra en général autour de 40% de son poids pendant sa gestation.

Une palpation précoce peut apporter quelques informations de façon simple et rapide. Mais sa pertinence dépend de l’expérience du praticien ainsi que de différents facteurs inhérents à la chienne (stade gestationnel, format, état d’embonpoint, sangle abdominale tendue, nombre de fœtus, vacuité du rectum et de la vessie,…). De plus, les palpations trop fréquentes (risque de résorption fœtale) sont déconseillées 

b) Les dosages hormonaux

  • La progestérone

Contrairement à de nombreuses espèces de mammifères, une des particularités du cycle sexuel de la chienne est de voir sa sécrétion de progestérone augmenter avant l’ovulation : on parle de lutéinisation pré-ovulatoire. La progestérone est donc un témoin de l’ovulation et non de la gestation, même si certains auteurs estiment que les valeurs de la progestéronémie seraient légèrement plus élevées après la placentation. La courbe de la progestérone est en effet similaire, que la chienne soit saillie ou non pendant les 2 mois qui suivent l’ovulation. Chez la chatte, une progestéronemie non basale signifie juste que la chatte a ovulé.

  • La relaxine

C’est la seule hormone spécifique de la gestation connue chez la chienne. Secrétée par l’unité fœto-placentaire, elle permet un relâchement des fibres à la mise-bas (utérus, pelvis) d’où son nom. Sa concentration atteint 4 à 5 ng/ml dans le dernier tier de gestation. Des kits de diagnostic rapide sont commercialisés. Ils permettent au praticien non équipé de matériel échographique de réaliser un diagnostic de gestation relativement précoce – soit entre 20 et 30 jours après l’ovulation (diagnostic de certitude vers 28 jours). Elle n’est le témoin que de l’existence d’une placentation et ne présage en rien de la viabilité et du nombre de fœtus.

Dans l’état actuel des connaissances, le praticien ne dispose d’aucun moyen fiable et standardisé pour établir un diagnostic précoce – c'est-à-dire pré-implantatoire.

c) La radiographie

Cet examen est intéressant lorsque les squelettes fœtaux deviennent radio-opaques en se minéralisant. Tardif, cet examen est à conseiller en fin de gestation.

d) L’échographie

L’échographie est l’examen de choix pour établir un diagnostic de gestation mais aussi d’en suivre le déroulement. Sûr, non invasif, rapide à mettre en œuvre, il est le plus précoce à ce jour.

  • Diagnostic de gestation par échographie

La visualisation des vésicules embryonnaires est possible entre le 16ème et le 18ème jour après l’ovulation. Elles apparaissent comme de petites sphères anéchogènes entourées par l’endomètre. Il conviendra, lors de cet examen, de comparer les tailles des ampoules fœtales.

Les premiers battements cardiaques sont visibles vers le 22-23ème jour. Les premiers mouvements du fœtus sont détectables environ une semaine plus tard.

Passés 30 jours, l’image échographique évoque nettement une image de « chiot/chaton ». Les ébauches du squelette deviennent visible : crâne, vertèbres thoraciques et côtes, cervicales et enfin membres. Les organes se différencient. Les structures anéchogènes, remplies de liquide - cœur, vessie et l'estomac contenant du liquide amniotique sont les premières visibles. Puis, des nuances d’échogénicité plus fines apparaissent : les poumons deviennent plus échogènes que le foie vers le 36-40ème jour après l’ovulation. La visualisation des anses intestinales signe la fin de la gestation et la viabilité du fœtus en cas de mise bas précoce.

  • Estimation de l’âge gestationnel grâce à mesures échographiques

Parfois, les propriétaires souhaitent savoir non seulement si leur chienne/chatte est gestante mais aussi depuis quand. Il existe différentes tables en fonction du stade de développement mais aussi du format ou de la race pour établir une datation de la gestation. Toutes ces mesures échographiques sont intéressantes et permettent d’estimer approximativement l’âge gestationnel. Connaître le jour de l’ovulation grâce au suivi de chaleur reste, à ce jour, l’outil le plus fiable pour estimer la jour de la mise-bas avec précision voir de programmer une césarienne.

2. Quand les proposer ?

a) Échographie

L’échographie est l’examen de choix. Vers le 25eme jour, est le moment optimal permettant de compter avec une relativement bonne précision le nombre d’ampoules et de comparer leur évolution. Lors de mises à la reproduction infructueuses, il peut être intéressant de faire venir les femelles plus précocement en consultation pour savoir si un début de gestation a eu lieu ou non. 

En l’absence de connaissance de date d’ovulation chez la chienne ou de saillie chez la chatte, le propriétaire doit être prévenu du risque de devoir renouveler les examens surtout s’ils sont pratiqués précocement. La durée apparente de gestation de sa durée réelle peuvent être différentes de par la durée de vie des spermatozoïdes et des ovocytes.

b) Suivi de gestation : savoir si tout se déroule normalement

Réduire le suivi de gestation à un simple examen échographique infirmant ou confirmant la gestation reste très réducteur. Un suivi rigoureux permettra d’anticiper et limiter les éventuelles complications tant par l’imagerie que par les conseils.

c) Suivi des fœti 

L’échographie de l’utérus ne doit pas seulement être considérée comme un moyen de confirmation et de datation de la gestation. C’est un outil indispensable pour le suivi de toute la gestation plus particulièrement celle de chiennes ayant des antécédents d’infécondité à chaleurs normales. 

d) Résorption embryonnaire

Cliniquement elle est inapparente. Elle intéresse le plus souvent qu’un fœtus mais quelques cas de résorption de tous les conceptus ont été décrits. Les images échographiques se traduisent par des ampoules de taille diminuée, un contenu hétérogène, un liquide amniotique peu abondant et une paroi vésiculaire épaissie et festonnée.

e) Mort fœtale

Dans la seconde moitié de la gestation, la mort du fœtus se traduit le plus souvent par un avortement avec présence de pertes vulvaires sanguinolentes ou verdâtres. Un ou plusieurs fœtus peuvent être morts. Les principaux signes sont : absence de battements cardiaques et de mouvements fœtaux,  des organes non reconnaissables voir une désorganisation du fœtus. Des décollements placentaires sont parfois observables. Toute femelle gestante présentant un de ces symptômes doit être reçue en consultation.

f) Suivi de la progestéronémie

La progestérone est une hormone indispensable à la gestation chez la chienne. Si sa production arrête, la mise-bas a lieu. On recherche une insuffisance lutéale chez les chiennes présentant des antécédents d’avortement. Le berger allemand, le rottweiler, le terre-neuve et le labrador sont des races prédisposées. Un dosage régulier hebdomadaire de la progestérone dès lors que le diagnostic de gestation a été confirmé, peut être proposé. 

III- Examens de fin de gestation : préparer la mise-bas

1. Radiographie et dénombrement

Les éleveurs sont très attachés à connaître le nombre de chiots ou chatons à naître. Plusieurs raisons à cela. La rétention fœtale est une cause de mortinatalité mais elle peut aussi être celle du décès de la mère. La présence d’un seul chiot ou chaton peut être cause de dystocie soit par disproportion foeto-maternelle ou par syndrome du chiot unique chez la chienne de grand format (le signal de mise bas envoyé par le chiot n’est pas reçu par la mère et l’accouchement n'a pas lieu). La connaissance du nombre de fœtus est donc importante en termes de survie mais aussi en gain de temps et de tranquillité pour le propriétaire. Il est préférable de faire venir la femelle à jeun et le colon vidé ! 

Classiquement la chienne est placée en décubitus latéral. En cas de doute (contenu stomacal ou rectal important notamment), un cliché de face peut être intéressant.

La radiographie permet de diagnostiquer une mort fœtale par la présence de gaz dans l’utérus, retard d’ossification, désorganisation des squelettes,…

La radio permet de visualiser la présence éventuelle d’anomalies pelviennes chez la lice et cela doit être contrôlé.

Attention, il n’existe pas d’examen de pelvimétrie facile à réaliser chez la chienne ou la chatte. Impossible de promettre si «ça va passer ou pas » !

2. Échographie

L’échographie de chacun des fœtus permet de s’assurer de leur viabilité mais aussi de rechercher certaines malformations( anasarque, coelisomien,…).

3. Groupage sanguin chez le chat de race

L’isoérythrolyse néonatale est une maladie des nouveau-nés principalement décrite chez le chat Il s’agit d’une destruction des globules rouges des petits amenant souvent au décès rapide du (ou des) chatons. Chez le chat, il existe trois groupes sanguins : le groupe A, le groupe B et le groupe AB. Les chattes du groupe B produisent naturellement des anticorps dirigés contre le groupe A. Les chats du groupe A et AB seront donc sensibles à ces anticorps. Ces anticorps provoquent la destruction des globules rouges chez des chats du groupe A ou du groupe AB. Le problème se trouvera donc principalement chez les chattes du groupe B mises à la reproduction. Les anticorps sont transmis aux chatons via le colostrum à la première tétée. Ainsi, lorsqu’un chaton du groupe AB boira le colostrum d’une mère B, elle lui transmettra les anticorps dirigés contre son propre groupe ce qui entraînera une destruction de ses globules rouges. La fréquence du groupe B est variable selon les races. Ainsi, on trouvera 40 à 60% de chats B chez les British shorthair, les Cornish rex, les Devons rex et les Angoras ; 20 à 40% chez les Sacrés de Birmanie et les Ragdoll ; 11 à 20% chez les Persans, les Scottish fold et les Somalis ; prévalence rare chez les Sphynx, les Tonkinois, les Bleus russes ou encore les Ocicats.

IV- Conclusion 

Tous ces examens ont certes un coût. Mais ils sont pour l’éleveur d’excellents moyens d’optimiser la mise à la reproduction par une meilleure prise en charge de la gestation (alimentation, traitement,..), la prévention de pathologie de la gestation et une mise-bas plus sereine et moins risquée.

Pas de conflit d'intérêt déclaré.

> Tests à pratiquer avant la mise à la reproduction

Sylvie CHASTANT
Ecole Nationale Vétérinaire D'alfort
Maisons-Alfort France

I- Introduction

Une mise à la reproduction doit être réfléchie et préparée plusieurs mois avant le début des chaleurs, non seulement pour augmenter les chances de gestation mais aussi les chances de survie des nouveau-nés. Cet article reprend les points d’attention à discuter avec un propriétaire – particulier comme éleveur – qui exprime un souhait de mettre son animal à la reproduction.

1. Âge

Femelle : les taux de fertilité et les tailles de portée maximales sont obtenus entre 2 et 6 ans. Néanmoins, plus la première portée est obtenue tard dans la vie de la chienne, plus le taux de mortalité des nouveau-nés augmente. Il convient donc d’encourager la mise à la reproduction vers l’âge de 2 ans. Sur le plan législatif, doivent être mis à la reproduction uniquement « les individus en bonne santé, ayant fini leur croissance et à partir de leur deuxième cycle sexuel pour les femelles » [1]. L’âge limite de reproduction est fixé entre 7 et 9 ans.

Mâle : il a peu de répercussions, sous réserve de la qualité de la semence.

2. Sur quelle période de chaleurs ?

Le même arrêté [1] prévoit que « les femelles reproductrices ne doivent pas mettre bas plus de trois fois par période de deux ans ».

II- Examen clinique préconceptionnel de la femelle

Il s’agit d’une part s’assurer que la chienne est apte à être saillie (ou sinon de décider d’une insémination), à mener à bien la gestation, la mise-bas et les premières semaines de vie des nouveau-nés. Cet examen ne se limite pas à l’appareil génital (tableau 1).

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Tableau 1 : Principaux éléments de l’examen d’une femelle en vue de sa mise à la reproduction

III- Examen clinique préconceptionnel du mâle

Il porte essentiellement sur la qualité de la semence (spermogramme), et éventuellement sur sa capacité à saillir.

IV- Évaluation génétique

Chez le chien, le site www.genodog.fr permet pour une race donnée de connaitre les affections possédant une composante génétique, et parmi celles-ci, celles pour lesquelles un test génétique est disponible pour la race. Voir la présentation sur ce sujet dans la même session.

Il ne s’agit pas de refuser de mettre à la reproduction un animal porteur d’une anomalie génétique, mais que la mise à la reproduction se fasse en connaissance du risque de transmission, en fonction des conséquences plus ou moins dramatiques de l’expression de la maladie pour les jeunes à naître et pour leurs futurs propriétaires, et que le choix du partenaire soit adapté en conséquence (choix d’un mâle testé et non porteur de la mutation par exemple).

Chez la chatte, il est indispensable de demander à ce que le groupe sanguin de la femelle soit connu (détermination génétique ou groupage réalisé par un test sanguin). Si la chatte est de groupe B, cela permet de conseiller le choix d’un mâle de groupe B ou la nécessité de déterminer le groupe sanguin de chaque chaton dès la naissance avant toute prise colostrale en raison du risque d’isoérythrolyse néonatale [2].

V- Évaluation sanitaire

Avant les chaleurs, la femelle devra être à jour de son calendrier vaccinal pour les valences classiques (chez la chienne : CHPL avec une attention toute particulière pour le virus de la parvovirose CPV2 ; chez la chatte : typhus-herpesvirus-calicivirus, FeLV si elle n’est pas porteuse du virus) pour améliorer la qualité immunologique du colostrum. La vaccination de la chienne contre l’herpesvirus CHV1 est à discuter en fonction du niveau de risque. La vaccination du mâle contre CHV1 est inutile. Une première vermifugation peut être réalisée dès avant les chaleurs (ou en tout début de gestation).

Les agents potentiellement transmissibles au cours du processus de reproduction sont dans l’espèce canine Brucella, Leishmania, Neospora, CHV1, TVTC (Transmissible Venereal Tumor Canine ou Sarcome de Sticker) ; dans l’espèce féline, FeLV, FIV ; et Toxocara (de la mère aux fœtus et aux nouveau-nés) dans les deux espèces.

VI- Gestion du risque bactérien

Campylobacter, Listeria, Salmonella, bactéries susceptibles d’induire des échecs de gestation, sont des contaminants fréquents des régimes à base de produits carnés ou incluant des œufs crus. L’origine des aliments crus ainsi que leur mode de conservation entre l’achat et la distribution doivent donc faire l’objet d’une attention particulière s’il n’est pas possible d’obtenir que la chienne reçoive autour de la mise à la reproduction une autre ration, sanitairement moins risquée.

VII- Favoriser ou contrôler la cyclicité

Le rythme d’entrainement sportif ou d’exposition sera réduit s’il perturbe la cyclicité. Des options médicales sont possibles pour induire des chaleurs (ou inversement, empêcher leur survenue de façon réversible afin d'éviter tout risque de gestation non désirée en attendant la période favorable pour le propriétaire).

IV- Conclusion

La discussion avant la mise à la reproduction d’une femelle vise notamment à faire prendre conscience aux propriétaires des risques associés, pour la femelle, pour les nouveau-nés et pour les propriétaires eux-mêmes. Chez les femelles présentant ou porteuses d’anomalies, il faut trancher le dilemme éthique en pesant la gravité des anomalies transmises pour la santé des jeunes. Les propriétaires doivent prendre conscience des risques associés à la gestation mais surtout à la mise-bas pour leur femelle.

La discussion doit également les amener à prendre conscience de la nécessaire organisation préalable, et de son impact sur leur agenda et sur leurs finances. Les propriétaires vont devoir trouver un mâle, choisir avec leur vétérinaire le mode de reproduction (saillie naturelle, insémination en semence fraiche, réfrigérée ou congelée), se rendre disponibles pour le suivi de chaleurs (chez la chienne) et surtout pour la saillie/insémination. Idéalement, le mâle doit être choisi et sa fertilité validée avant que la femelle n’entre en chaleur. Si la mise à la reproduction est prévue par insémination en semence réfrigérée ou congelée, il est conseillé de prévoir un mâle de secours, disponible à proximité.

Les propriétaires doivent déjà réfléchir à leur disponibilité autour de la mise-bas, à l’endroit où elle va se dérouler, être préparés au stress associé et à la possibilité d’une dystocie. Une explication des soins aux nouveau-nés puis au déroulement de l’élevage pendant 2 à 3 mois ainsi que des aspects administratifs liés à la vente ou à l’adoption permet finalement de s’assurer que les propriétaires s’engageront dans le processus de mise à la reproduction de la femelle en toute connaissance de cause.

Bibliographie

  1. Arrêté du 03 avril 2014. http://www.legifrance.gouv.fr
  2. Fournier A, Chastant-Maillard S. Focus sur l’isoérythrolyse néonatale. Le Point vétérinaire, 2017, volume 381. Pages 37-39.
Pas de conflit d'intérêt déclaré.